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ANALYSES.b. perez. L’éducation morale, etc.

cas, l’ouvre de l’éducateur sera d’autant plus facile que l’objet, les fins et les moyens de l’éducation dite morale auront été indiqués avec plus de précision et de mesure.

C’est là, précisément, ce que M. Bernard Pérez était capable de faire, aussi bien, sinon mieux que personne.

« L’éducation morale, écrit-il, a pour but de développer et de discipliner, pour le plus grand bien de l’individu et de la société, les forces innées qui portent l’homme à l’action. » Elle s’applique, poursuit-il, à « favoriser les tendances reconnues utiles par l’élite des gens éclairés et pratiques », à réduire les tendances contraires « à leur minimum d’énergie », et à les faire dériver au bien, s’il est possible. Or, nos tendances ont pour aliment, dit encore M. Pérez, des sensations, des émotions et des volitions, sur lesquelles on peut espérer d’agir ; l’habitude les a faites, une habitude qui s’est consolidée dans les races ou dans les familles, l’habitude seule est donc capable de les changer, et il s’agirait de savoir jusqu’à quel point et dans quelles conditions ce changement est réalisable.

L’ambition de M. Pérez est assez modeste pour qu’on lui accorde confiance. Elle est au moins, nous dit-il, de faire obstacle pour toute la vie, ou pour la plus grande partie de la vie, au développement d’un certain nombre de tendances nuisibles. Sa plus haute espérance est que la force des habitudes factices suggérées par l’éducation et d’autre part celle de la discipline personnelle, dont elle pose les fondements, « sont capables de lutter, dans une mesure inappréciable, contre les tendances ou habitudes innées ». Il a su faire, dans ces limites, le mieux qu’il se pouvait. Il a mis dans son nouveau livre ses meilleures qualités de finesse et de bon sens, et tous les lecteurs y trouveront de quoi s’intéresser et s’instruire. La première édition de l’ouvrage avait obtenu un succès bien mérité ; mais cette deuxième édition est de beaucoup supérieure à la première, tant pour la sûreté des vues psychologiques générales que pour la distribution des matières.

L’ouvrage se compose de cinq parties, sous-divisées en chapitres. Dans la première partie, M. Pérez étudie les premiers développements et la formation morale de la volonté ; dans la deuxième, l’éducation affective et morale des sens ; dans la troisième, la culture des tendances émotionnelles et affectives ; dans la quatrième, la sympathie humaine ; et enfin, dans la dernière, la culture des sentiments complexes ou dérivés (timidité, honte et pudeur, crédulité, véracité et mensonge, amour-propre). Citons les chapitres où M. Pérez tente de concilier Spencer avec lui-même, à propos de la discipline des conséquences, et ceux qu’il donne à la culture affective et morale des sens. Il suffira d’ailleurs de parcourir les sommaires des chapitres, qu’il serait trop long de reproduire ici, pour être sollicité à lire bien des pages ; car le charme d’un pareil ouvrage est dans le détail, le charme et l’utilité. Si l’éducation morale est possible, c’est par une action incessante et appliquée à tous les détails de la vie de l’enfant, et l’éducateur doit