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DUNAN.l’espace visuel et l’espace tactile

s’ensuit nécessairement. Les deux questions sont étroitement connexes.

X

Tous nos efforts jusqu’ici ont eu pour objet, soit d’établir directement l’hypothèse de l’irréductibilité de la forme visuelle et de la forme tactile de l’espace, soit de réfuter les objections que l’on pourrait élever contre elle. Quel est le degré de probabilité auquel atteint cette hypothèse après toutes ces discussions, c’est ce dont le lecteur pourra juger s’il a eu la patience de nous suivre jusqu’à ce moment. Dans tous les cas, comme personne ne pourrait exiger de nous que nous attendissions, pour déduire les conséquences de la théorie ainsi proposée, le jour où elle sera universellement admise, nous prendrons la liberté d’en indiquer dès maintenant quelques-unes parmi les plus importantes. Ces conséquences, si elles sont bien déduites, vaudront ce que vaut le principe sur lequel elles doivent reposer. Il ne peut être question ici de leur attribuer plus qu’une autorité conditionnelle.

La première de ces conséquences, la plus immédiate, et celle qui saute aux yeux tout d’abord, se rapporte à l’ordre psychologique et à la théorie de la perception. S’il est vrai, comme nous nous sommes efforcé de le démontrer, que l’œil et la main suffisent respectivement à nous constituer des représentations complètes de l’étendue par la combinaison de leurs sensations spécifiques avec les sensations musculaires inhérentes à l’exercice des deux organes, il est clair que cette théorie est à refaire à peu près tout entière, puisque telle qu’elle est admise aujourd’hui partout, elle repose sur l’hypothèse formelle d’une coopération de la vue et du toucher à la formation de l’idée d’étendue, du moins chez les voyants. Nous n’avons pas à montrer ici comment cette théorie devrait être refondue et constituée sur des bases nouvelles, parce que c’est chose déjà faite. Sans doute, dans les pages qui précèdent, nous n’avons en aucune façon analysé le mécanisme de la perception visuelle ; mais c’est que nous avons dû traiter la question en psychologue, non en physiologiste, et que le rôle du psychologue consiste simplement à éclairer par des considérations théoriques la marche du physiologiste, et à déterminer, dans son ensemble et dans ses caractères généraux, une opération dont le physiologiste aura ensuite à rechercher les conditions organiques. Ce que nous avons fait, ç’a été de critiquer et de reprendre, dans la mesure de nos moyens, l’œuvre de Stuart Mill et de M. Bain, voilà tout. Du reste il est évident que cette transformation du point de vue psychologique doit donner lieu à de grandes