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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

qui commencent de même et s’étaient évidemment associés par l’assonance. »

Enfin je rappellerai un dernier fait que j’emprunte au volume de M. Binet sur la psychologie du raisonnement. « Un des correspondants de M. Galton, le Rév. Georges Henslow, voit toutes les fois qu’il ferme les yeux et qu’il attend un moment l’image claire de quelque objet. Cet objet change de formes pendant aussi longtemps que M. Henslow le regarde avec attention. En étudiant la série de formes qui se succèdent, on remarque que le passage de l’une à l’autre est fourni tantôt par la relation de contiguïté, tantôt par les relations de ressemblance. Dans une de ces expériences, les images suivantes se présentèrent : un arc une flèche — une personne tirant de l’arc et n’ayant que les mains visibles — un vol de flèches occupant entièrement le champ de la vision — des étoiles tombantes — de gros flocons de neige — une terre couverte d’un linceul de neige neige — un presbytère dont les murs et les toits étaient couverts de neige — une matinée de printemps avec un brillant soleil et une corbeille de tulipes — disparition de toutes les tulipes à l’exception d’une seule — cette tulipe unique de simple devient double — ses pétales tombent rapidement, il ne reste que le pistil — le pistil grossit, les stigmates se changent en trois grandes cordes ramifiées et brunes — un bouton, le bouton se plie, devient une mèche anglaise, puis une sorte d’épingle traversant un morceau de métal et ainsi de suite. » « On doit concevoir, ajoute M. Binet, que chacune des images se fusionne avec la précédente en vertu des points communs qu’elles offrent, et que de plus les images successives coexistent pendant un instant très court[1]. » Nous trouverons dans cette analyse de M. Binet une des bases d’une explication générale des phénomènes que je viens de citer.

À mon avis la meilleure manière d’interpréter la plupart des phénomènes de cet ordre est de dire qu’ils ne constituent pas des associations par contiguïté ou ressemblance, mais bien des associations par système qui ne sont pas systématisées entre elles et ne font pas partie d’un système supérieur. Nous somme ainsi à la fois mieux d’accord avec les résultats de la synthèse et avec les résultats de l’analyse. Je vais tâcher de l’établir.

Prenons un des faits en question, celui par exemple du rêve de M. Maury qui s’explique par les associations des mots pèlerinage, Pelletier, pelle, nous voyons que la partie commune de ces trois mots a persisté et s’est associé successivement diverses images et

  1. Voir Binet, ouvr. cité, p. 104-106 ; Brochard, De la loi de similarité, Rev. phil.