Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/644

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
634
revue philosophique

Après qu’il eût été donné cours au très naturel mécontentement de gens troublés dans leurs habitudes, brusquement tirés d’une position commode, il a fallu procéder à un examen de conscience. Avec quelques réticences, on a dû accorder que nos griefs n’étaient pas sans fondement et qu’il y avait lieu de séparer plus qu’on ne l’avait fait jusqu’ici la cause de l’histoire de celle de la philosophie religieuse. L’historien classe et dépouille les documents ; le philosophe et le théologien s’emparent de ces indications pour appuyer telle ou telle conception qui leur est chère. Ce sont là deux objets différents, dont la distinction s’impose. Nous voulons espérer que du côté des savants, qui proclament leur indépendance à l’endroit de toute tradition religieuse, on s’occupera moins de « mythologie indo-européenne » et de la restitution des trois états de l’ « animisme », du « polythéisme et du « monothéisme » dans l’évolution des principales religions anciennes, et davantage des faits eux-mêmes.

Puisque nous en sommes à cette fameuse trilogie, notons, en passant, une réclamation qui n’a pas laissé de nous flatter. Un celtisant éminent, qui est également un « folkloriste » des plus distingués, a réclamé pour lui la paternité d’une idée dont nous avions cru devoir prendre la défense. Nous avions dit que ces trois désignations ne devaient pas être employées pour indiquer des phases successives se produisant dans l’évolution des diverses religions, mais trois faces, trois côtés de l’idée et de la pratique religieuses chez tous les peuples et à toutes les époques, trois éléments du culte qui se trouvent en des proportions variables, mais simultanément et conjointement. M. Gaidoz a tenu à donner publiquement son adhésion à la pensée que nous avions exprimée à cet égard, en rappelant qu’il avait fait antérieurement des déclarations analogues. Nous faisons grand cas de cet appui.

Nous disions, à l’instant, que, du côté des savants indépendants de l’idée religieuse, nous espérions qu’on déblayerait de plus en plus le terrain de nos recherches de l’hypothèse évolutionniste et de l’explication météorologique ; il n’est pas moins important de savoir quelle attitude prendront à l’égard de la jeune discipline les représentants de la tradition religieuse, les tenants du conservatisme orthodoxe. Ceux-ci ont manifesté visiblement quelque hésitation à reconnaître les titres de l’histoire des religions ; aujourd’hui, au lendemain surtout des déclarations par lesquelles on a franchement séparé le domaine de la recherche scientifique du terrain de la spéculation philosophique, nous avons la satisfaction de nous trouver en face d’une reconnaissance formelle.

Dans la substantielle brochure[1] que M. Ph. Colinet, professeur agrégé à l’université de Louvain, consacre à l’examen du cours de M. Goblet d’Alviella, nous relevons une discussion très serrée du point précis de doctrine qui est en question. Mieux avisé, dit M. Colinet, qu’au jour où il défendait à l’abbé de Broglie de s’occuper des religions sous pré-

  1. In-8o, 35 pages.