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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

texte d’incompétence radicale qui frapperait tous les catholiques, M. Goblet veut bien reconnaître aujourd’hui que la croyance à l’infaillibilité de sa propre religion n’empêche pas un savant d’étudier scientifiquement des religions étrangères. Mais cela ne suffit pas au sens de M. Goblet, car, ajoute-t-il, en empruntant l’autorité et les paroles de M. Tiele, « l’historien des religions doit étudier la religion en général. Il y a à montrer comment chaque religion qui monte sur la scène de l’histoire est enracinée dans le passé. Comment faire rentrer dans ce tableau une religion dont on accepte les traditions comme la vérité absolue et dont on place l’origine dans une révélation surnaturelle ? Et que sera-ce quand il s’agira, non plus seulement de tracer le tableau général du développement religieux, mais encore d’en formuler la philosophie, c’est-à-dire de rechercher les lois qui président à la formation et à l’évolution des croyances ? »

M. Colinet fait voir ici, en fort bons termes, que la philosophie de l’histoire des religions ne pourra être abordée d’une manière fructueuse qu’après la détermination positive de toutes les données importantes, surtout de celles qui ont trait aux origines ». En effet, dans toute science d’observation, les lois générales ne se formulent qu’à la suite d’une connaissance suffisante des faits religieux ». Et M. Colinet conclut très justement que MM. Tiele et Goblet d’Alviella ont tort lorsqu’ils veulent « dès maintenant énoncer des théories qui soient la synthèse de l’histoire, encore trop peu connue, des religions ». Enfin, relevant une assertion de M. Goblet, d’après laquelle certaines de nos propres déclarations seraient entachées du désir « d’amener les représentants des orthodoxies religieuses, et particulièrement l’Église catholique, à reconnaître l’indépendance, voire l’utilité de la critique dans l’étude des documents sacrés, » l’auteur de la brochure l’Histoire des religions s’exprime ainsi : « Si M. Vernes a eu réellement cette intention en exprimant si franchement une vérité du reste évidente (c’est nous qui soulignons), il n’y a qu’à l’en louer et à souhaiter qu’il trouve des imitateurs. Malgré l’insuccès que M. Goblet lui prédit et qu’il semble désirer secrètement, nous sommes sûr que les franches déclarations de M. Vernes trouveront de l’écho chez les catholiques. Nous nous félicitons, à notre tour, d’avoir provoqué un témoignage aussi net et aussi affirmatif. M. Colinet dit encore : « Nous pouvons dès à présent déclarer à M. Goblet d’Alviella que nous voyons arriver sans crainte le moment où il faudra faire rentrer dans le tableau général de l’histoire des religions, une religion qui en doit placer l’origine dans une révélation surnaturelle ». Quand ce moment sera venu, et puisse-t-il arriver bientôt, M. Goblet pourra se convaincre que, sans rien diminuer de notre foi religieuse, nous continuerons à être les serviteurs sincères et désintéressés de la science. » Ainsi la théologie catholique se déclare prête à aborder tous les problèmes de l’histoire religieuse, même ceux qui la touchent de plus près, dans un esprit de recherche critique et exacte. Par la plume d’un représentant autorisé de ses opinions et de ses ten-