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soit avec le texte, mais nous aurons l’impudeur de dire que c’est là notre moindre souci.

Un pasteur de province, n’ayant à sa portée que des moyens d’information assez restreints, s’est attaqué d’une façon aussi courageuse que loyale à plusieurs des grosses questions que soulève l’examen des livres bibliques. Après la mort de cet estimable et patient chercheur, ses principaux essais ont été recueillis sous le titre de Etudes historiques et exégétiques sur l’Ancien Testament[1].

M. Le Savoureux, qui était bon hébraïsant, avait abordé différents sujets de la littérature biblique. Dans le solide et intéressant volume que nous avons sous les yeux, se rencontrent des indications ingénieuses sur « le premier mot de la Bible », sur « l’idée de la création dans la Bible », sur « la terre au moment de sa création et l’origine du mal », ainsi qu’une attrayante étude consacrée à « la poésie des Hébreux ».

Mais le plus important, tant par le sujet que par la nature des recherches, des morceaux dus à la plume du regretté E. Le Savoureux est une « étude sur le texte hébreu de l’Ancien Testament. » Cette dissertation est très ample et très minutieuse, en même temps qu’elle se distingue par une louable clarté et une facilité réelle d’exposition. Je ne sais pas de plus beau sujet, et je suis aise d’attirer l’attention du public français sur des matières capitales, qui sont déplorablement négligées.

Depuis vingt-cinq ou trente ans, nous commençons à savoir qu’il y a des questions de « littérature biblique ». Quand je me reporte à l’époque où j’entrepris moi-même de les étudier, on se heurtait à une indifférence, à des préjugés et à une ignorance presque inconcevables. Depuis, de sérieux progrès ont été réalisés ; mais il en reste encore beaucoup à faire, et jamais le but que nous nous proposons, de rendre à sa place légitime, de faire à la fois étudier et honorer un des plus grands documents qui aient présidé et continuent de présider à l’évolution des sociétés humaines, ne sera atteint tant que le haut enseignement de l’histoire et de la littérature antiques n’aura pas franchement ouvert ses portes aux études bibliques.

L’indifférence qui vient d’être rappelée tout à l’heure provenait d’une vue étroite et superficielle ; on ne se doutait pas que l’histoire des origines de notre civilisation, l’histoire entière du développement des peuples modernes, est inintelligible sans la connaissance du christianisme et sans l’étude du judaïsme et de ses monuments religieux qui sont le fondement du christianisme. Les préjugés étaient, la plupart du temps, d’une autre nature ; les théologiens des diverses Églises gardaient avec un soin quelque peu jaloux le trésor des livres sacrés, et craignaient pour eux le grand air de la discussion publique. Accoutumés à voir dans la Bible la source du dogmes, de la morale et de la piété, les docteurs catholiques, protestants ou juifs, avaient adopté, les yeux

  1. In-12, LXXI et 403 pages.