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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/659

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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

fermés, tout un ensemble de solutions littéraires et historiques qui dataient de fort loin, et commettaient la faute de solidariser leur foi et leur morale à des vues fort contestables touchant l’origine et la composition de livres antiques. Il y avait enfin l’ignorance, fille toute naturelle de l’indifférence et du préjugé. En dehors des cercles ecclésiastiques, les grands noms, les principales œuvres de la Bible n’existaient pas ou étaient l’objet de méprises, qu’en un sujet moins grave on eût pu juger fort divertissantes.

Aujourd’hui, les différentes questions de la littérature et de l’histoire religieuses peuvent être abordées en France dans un esprit de respectueuse liberté, notamment celles qui touchent à la Bible. Nous ne prétendons point qu’elles touchent le grand public ; mais elles ont commencé à trouver un public, et ce public est destiné à s’élargir avec les années. Sans doute, il reste des intransigeants de droite et de gauche pour les confisquer à leur profit des intransigeants de droite pour assurer que les questions d’histoire et de critique religieuses ne doivent point être abordées en dehors du sanctuaire ; des intransigeants de gauche pour les trancher de haut dans le sens d’un fanatisme à rebours, qui n’a pas la foi pour excuse. Heureusement que la zone « neutralisée » s’étend de plus en plus ; on a vu plus haut que l’érudition catholique ne refuse plus de travailler en commun avec des savants venus des différents points de l’horizon, pourvu — et cette exigence ne nous semble point déraisonnable — que ceux-ci déclarent ne pas subordonner leurs recherches à un point de vue philosophique à priori.

Mais, à côté des questions qui touchent l’origine et la composition des livres bibliques, il y a des questions qui touchent la conservation et l’intégrité de leur texte. Dans quelle mesure le texte hébreu de tel livre, la Genèse par exemple, ou Job, ou les Psaumes, représente-t-il exactement l’original, tel qu’il est sorti de la plume des auteurs ? On sait les admirables travaux voués à l’établissement du texte critique de la littérature classique, soit grecque, soit latine ; on sait l’étonnante et féconde rivalité des savants, jaloux de restituer sous leur forme la plus exacte les chefs-d’œuvre de l’antiquité ; on sait encore que ces études, délaissées pendant un certain temps dans notre pays, y ont repris faveur depuis quelque temps. Eh bien ! il faudrait faire pour le texte original, c’est-à-dire hébreu, des livres de la Bible ou de l’Ancien Testament un travail analogue. C’est en quelque sorte l’introduction d’un pareil travail que M. Le Savoureux s’est proposé d’écrire, en dehors des questions d’origine et de composition littéraires. « L’histoire du texte hébreu de l’Ancien Testament, dit-il excellemment, n’est pas l’histoire de la langue hébraïque, ni celle de la littérature du peuple hébreu. Dans la tractation de ce sujet, nous n’avons point à nous occuper des questions d’ethnographie, de linguistique et d’authenticité de tel ou tel livre du canon. Notre tâche est beaucoup plus simple ; nous avons à rechercher si le texte hébreu, tel qu’il existe de nos jours, manuscrit ou imprimé, et désigné par le nom de texte massorėthique, est bien, quant à sa