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forme, le texte même des écrivains sacrés ; puis, s’il est vrai, comme l’affirment des savants, que ce texte massoréthique ne soit pas le texte original, nous voulons rechercher en quoi consiste l’altération qu’il a subie, à quelle époque et sous quelle influence elle s’est opérée ; et finalement, dans le cas où les affirmations de la science nous paraîtraient suffisamment justifiées, nous aurons à examiner si les résultats obtenus sont de nature à ébranler notre confiance dans la valeur du texte que nous possédons aujourd’hui. »

M. Le Savoureux établit quatre périodes dans l’histoire du texte hébreu de la Bible : 1o Celle qui précède l’exil, autrement dit la captivité de Babylone. — En d’autres termes, quelles ont été les vicissitudes des écrits bibliques depuis leur établissement premier, depuis le jour où leurs auteurs les ont fixés par l’écriture, jusqu’au jour où Cyrus autorise la restauration du judaïsme ? 2o La période qui s’étend du retour de l’exil ou de la captivité de Babylone jusqu’au ve siècle de notre ère. 3o La période qui s’étend du vie siècle au xe de notre ère : on l’appelle période de la Massore ou Massorėthique, désignant par ce nom, qui signifie tradition, le travail des docteurs juifs qui ont donné au texte sa constitution définitive. 4o Le texte une fois constitué, il reste à savoir comment il s’est conservé jusqu’à nos jours.

Reprenons les mêmes échelons dans un ordre inverse. Nous lisons aujourd’hui la Bible hébraïque munie d’un apparatus fort complet et non moins complexe : c’est, en dehors de l’établissement du texte par les consonnes (les alphabets sémitiques ne connaissent que des consonnes), un luxe de points, d’accents et de signes, exprimant les voyelles et la ponctuation. Ce texte, tel que le représentent les éditions imprimées, est la reproduction des manuscrits considérés comme dignes de foi par les docteurs juifs du moyen âge. Ces mêmes manuscrits reproduisent, à leur tour, l’édition officielle qui fut constituée avant le xe siècle de notre ère dans les écoles du judaïsme, et il ne semble pas pouvoir être contesté que lesdites écoles se sont bornées à prendre acte de la pratique contemporaine. Donc le texte hébreu de nos éditions imprimées représente la Bible hébraïque traditionnelle du xº siècle de notre ère et des temps immédiatement antérieurs. C’est là ce que signifie l’expression texte massoréthique.

Le texte traditionnel ou massoréthique n’est pas un texte savant ou, selon l’expression usitée dans les cercles scientifiques, un texte critique. « On commettrait une erreur, dit notre auteur, en prenant ce textus receplus pour un texte constitué par les rédacteurs de la Massore dans le sens où, par exemple, à propos du Nouveau Testament, nous parlons d’un texte de Griesbach et de Tischendorf. Il ne peut être ici question de rien de semblable. Pour les auteurs de la Massore comme pour les Talmudistes, il existait de tout temps une leçon reçue, un texte fixé, d’une autorité indiscutable ; c’est ce texte qui sert de base aux remarques massoréthiques. Il arrive, pour le texte hébreu, que le nombre des variantes entre éditions soit imprimées soit manuscrites est rela-