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dans des enveloppes cachetées ; M. Furness s’est mis en rapport avec quatre d’entre eux. Les résultats ont toujours été les mêmes : les lettres qui étaient simplement cachetées avec des cachets de cire ont été adroitement ouvertes et refermées ; la question a été lue et on y a répondu : il faut noter du reste que quatre réponses différentes ont été faites par les quatre médiums à la même question. Mais M. Furness ayant eu l’idée de coudre ce papier à l’enveloppe avec de la soie rouge et de prendre les bouts des fils dans les cachets, l’esprit s’est toujours déclaré incapable de répondre à la question contenue dans une enveloppe arrangée de cette façon : il faut remarquer que la question était toujours précisément la même que celle qui était enfermée dans une enveloppe que M. Furness s’était contenté de cacheter avec de la cire.

Quelquefois aussi le médium opère en votre présence : c’est le cas de M. Mansfield. Voici quel est alors le dispositif. Le médium est assis à une table, le dos tourné au mur ; des livres empilés empêchent le visiteur qui est assis à quelque distance de voir ses mains ; le visiteur écrit une question sur une bande de papier, la plie plusieurs fois et colle le dernier pli avec de la gomme. Il la tend alors au médium, qui, grâce à des mouvements convulsifs, la déplie, lit la question et écrit la réponse. Le tout se passe derrière les livres et le visiteur ne voit rien.

Tels sont les principaux faits consignés dans le rapport de la commission. Un long appendice contient les procès-verbaux des séances auxquelles ses membres ont assisté et le détail des enquêtes personnelles auxquelles ils se sont livrés. Il faut lire le récit des efforts persévérants de M. Furness pour développer ses aptitudes de médium, aptitudes découvertes par les médiums les plus connus ; il y a là quelques pages spirituelles et gaies qui ne seraient déplacées dans les « Essays » d’aucun humoriste. L’étude qu’il a écrite sur les séances d’évocation d’esprits est curieuse et fort intéressante pour la psychologie religieuse. Le livre dans son ensemble vaut grandement la peine qu’on le lise ; c’est un livre de bonne foi, écrit par des hommes intelligents. On s’est trop accoutumé peut-être à regarder la fraude comme une explication absurde et qu’il fallait tout d’abord rejeter. Il est certain que c’est souvent une explication insuffisante, mais il est certain aussi que tous ceux qui trompent ne se trompent pas eux-mêmes, que souvent nous sommes pris pour dupes et que la première règle scientifique c’est de se défier des autres tout autant que de soi-même. On est porté parfois à croire trop aisément à la sincérité parfaite de tous ceux qui produisent des phénomènes que nous ne pouvons expliquer ; c’est une réaction, je le sais bien, mais encore ne faudrait-il pas la pousser trop loin et serait-il bon d’admettre qu’il est des médiums dont le premier souci est de faire fortune. Ce livre n’aurait fait que le rappeler au public scientifique qu’il aurait déjà rendu un grand service.

L. Marillier.