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ADAM.pascal et descartes

en termes confus, et sans qu’on sache si Descartes lui reconnaissait plus de valeur.

Il est vrai qu’un peu après encore, écrivant au P. Mersenne, le 15 décembre 1638, puis le 9 janvier 1639, Descartes revient à sa première idée de 1631. Parlant de certains vaisseaux dont on use pour arroser les jardins, si, lorsqu’on les retourne brusquement, l’eau y demeure sans tomber, « ce n’est pas crainte du vide, dit-il, mais bien à cause de la pesanteur de l’air, car il faudrait que l’eau en tombant fit hausser celui-ci jusques à sa plus haute superficie ». Parlant ensuite de deux corps plats et polis, appliqués l’un sur l’autre, on a peine à séparer le premier, si on le tire en haut, « parce que, dit-il, on doit alors sentir toute la colonne d’air qui est au-dessus[1]. » Descartes fait intervenir la pesanteur de l’air plutôt comme un empêchement et un obstacle, que comme un agent véritable : elle empêche deux corps polis d’être facilement séparés ; elle empêche un vaisseau plein de se vider, plutôt qu’elle n’est cause qu’un tuyau où l’on fait le vide, se remplit à mesure.

Si quelque indécision se rencontre à ce sujet dans l’esprit de Descartes avant que les expériences décisives aient été faites, on ne s’étonnera pas d’en trouver aussi chez des hommes comme le P. Noël, et même Roberval ou Étienne Pascal.

Le P. Noël a recours, dans sa seconde lettre, à la pesanteur de l’air ; puis, dans Le plein du vide, composé peu de temps après, il attribue la suspension du vif-argent à une qualité qu’il appelle légèreté mouvante (laquelle est sans doute de votre invention, lui dit ironiquement Étienne Pascal) ; enfin il se ravise, et ajoute à la hâte quelques feuilles à son petit livre, pour dire qu’il révoque la légèreté mouvante de l’éther et rappelle le poids de l’air extérieur pour soutenir le vif-argent. Pascal se moque de ce jésuite, « qui, dit-il, est le premier plus prompt à changer ses pensées qu’on ne peut être à lui répondre[2] ».

Mais son ami, Roberval, en changeait de même. En présence de Descartes, lorsqu’ils se rendirent ensemble chez Pascal, il se montre, peut-être par esprit de contradiction, partisan décidé du vide et ennemi de la colonne d’air. D’ailleurs, dans un manuscrit de lui, qui semble avoir été rédigé en ce temps-là, il dit que l’eau, dans une pompe, monte ou par la crainte du vide, ou par l’attraction, ou en général par quelque autre cause plus forte que sa pesanteur ! Mais

  1. Lettres à Mersenne, t.  VIII, p. 36 et p. 71-72 des Œuvres de Descartes, édit. Cousin.
  2. Lettre à M. Le Pailleur, t.  III, p. 59 et 61 de la petite édit. in-18. — Cf. p. 71.