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l’eau est donc insensible aux animaux qui y sont plongés. Et, conclut Pascal, « qu’on ne dise plus que c’est parce que l’eau ne pèse pas sur elle-même, car elle pèse partout également ; ou qu’elle pèse d’une autre manière que les corps solides, car tous les poids sont de même nature, et voici un poids solide qu’une mouche supporte, sans le sentir ». Non, si les animaux dans l’eau n’en sentent pas le poids, ce n’est pas parce que ce n’est que de l’eau qui pèse sur eux, c’est parce que cette eau les environne et les presse de tous côtés[1]. Pascal n’a donc plus à craindre le principe péripatéticien, que les éléments ne pèsent pas dans eux-mêmes ; et, dit-il, après avoir montré, dans l’Équilibre des liqueurs, que l’eau pèse dans elle-même autant qu’au dehors, et expliqué pourquoi, nonobstant ce poids, un seau n’y est pas difficile à hausser, et pourquoi on n’en sent pas le poids, il voulut, dans le Traité de la pesanteur de la masse de l’air, montrer la même chose de l’air[2].

Les conditions d’équilibre dans l’air sont, en effet, les mêmes que dans l’eau, et la pression s’exerce de la même manière. C’est elle qui est la cause des nombreux effets qu’on a faussement attribués à l’horreur du vide. Et Pascal le prouve pour quelques-uns. S’il est difficile d’ouvrir un soufflet bouché, c’est, disait-on, parce que le vide s’y produirait, et que la nature ne saurait l’admettre. « Mais, dit Pascal, je ferai voir une pareille résistance causée par le poids de l’eau. » Et il revient à ce soufflet enfoncé dans l’eau, et dont le tuyau fort long reste au-dessus de la surface : on ne l’ouvre aussi que difficilement. Ce n’est pas que le vide s’y produirait cependant, puisque le soufflet est en communication avec le dehors et peut se remplir d’air. Inventera-t-on une répugnance, une horreur de l’air, semblable à l’horreur du vide ? Comme si toute la masse d’eau qui est au-dessus du soufflet, et qu’il faut soulever, n’était pas une cause suffisante ! Remplacez maintenant l’eau par du vin, par de l’huile, par du vif-argent, toujours le même empêchement se renouvellera, comme si vous la remplaciez par du sable. Donc, la règle est générale, et l’effet causé par le poids de chaque liqueur n’en est qu’un cas particulier. Laissez enfin le soufflet dans l’air, en ayant soin de même que celui-ci ne pénètre pas plus au dedans que l’eau n’y pénétrait tout à l’heure, et vous trouverez à l’ouvrir une semblable résistance[3].

De même la cause qui fait monter l’eau dans les seringues, ou dans

  1. Ib., c. VII.
  2. Conclusion des deux traités. p. 126 de l’édit. in-18.
  3. Traité de la pesanteur de la masse de l’air, c. II, sect. II, §  1.