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ADAM.pascal et descartes

ou de plomb, son poids l’emporte sur celui de l’eau, et il tombe au fond. Si c’est du bois, il monte jusqu’à ce qu’il surnage ; et si c’est de la cire, elle se tient dans l’eau à peu près au lieu où on la met. Enfin si c’est un seau d’eau que l’on tire, on n’en sent pas le poids[1].

Pascal n’a parlé des corps durs que pour arriver aux corps compressibles et enfin aux corps vivants. Un soufflet, dont toutes les ouvertures sont bouchées, sauf celle du tuyau qui est fort long et dépasse toujours le niveau, est enfoncé dans l’eau : on a d’autant plus de peine à l’ouvrir, qu’il enfonce plus avant, et cela à cause de tout le poids de la masse d’eau qui pèse sur lui. Et si on plonge de la même manière dans l’eau un tube auquel est attachée une vessie pleine de vif-argent, comme la vessie se trouve comprimée par l’eau de tous les côtés, sauf celui où elle communique avec le tube, le vif-argent est poussé dans le tube et monte d’autant plus que l’appareil plonge davantage. Et si un homme enfin est au fond de l’eau, avec un tube dont une ouverture reste au-dessus de la surface, et l’autre est fortement appliquée sur la cuisse, comme il est pressé de tous côtés par l’eau, sauf en cet endroit du corps qui se trouve engagé dans le tube, il se forme là un gonflement et une tumeur avec ampoule ; de même que si on presse un ballon dans la main, comme on n’en peut comprimer exactement toutes les parties, celle qui s’échappe entre les doigts se gonfle d’autant plus qu’on presse les autres davantage. Mais si on pouvait le toucher en toutes également, il n’y aurait ni enflure ni enfoncement d’aucune partie, mais seulement une condensation générale de toutes vers le centre, laquelle serait à peine visible, si elle n’était très grande, et ne peut être qu’extrêmement légère, lorsque la matière est bien compacte. C’est justement ce qui arrive aux animaux qui vivent dans l’eau, et aussi, on peut le dire d’avance, aux hommes qui sont dans l’air[2].

Pascal confirme ces raisonnements par une jolie expérience. Il verse de l’eau tiède dans un tube bien bouché par en bas. Puis il y jette un petit ballon plein d’air, un autre à demi plein seulement, et une mouche vivante. Enfin il comprime le tout avec un piston, aussi fortement qu’on voudra. La pression se fait sentir, comme on voit par le ballon à demi gonflé qui se resserre ; mais les dimensions de l’autre ne changent pas ; quant à la mouche, elle ne sent rien, car on la voit se promener « avec liberté et vivacité » le long du verre, et même s’envoler dès qu’elle est hors de cette prison. Le poids de

  1. Ib., c. V.
  2. Ib., c. VI et VII.