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séparait pas, en effet, du problème scientifique la question métaphysique du vide et du plein, et n’examinait les expériences nouvelles qu’au point de vue de sa théorie du plein. Avait-il besoin de cela cependant, pour établir, selon ses principes, que toute la physique n’est que géométrie ? Avant lui, des partisans du vide, comme Démocrite et Épicure, avaient eu la même pensée ; et Newton, après lui, la réalisa mieux qu’on avait encore su faire, bien qu’il admit l’attraction et le vide.

Mais, où Descartes avait raison, comme le progrès même des sciences le fit bien voir, c’est lorsqu’il prescrivait de suivre la méthode déductive, quand une fois on connaît la cause, sauf à aller d’abord au-devant de celle-ci par les effets. Et même une science ne devient rigoureuse et parfaite que si la cause dont on déduit ensuite tous les phénomènes est, non pas un fait d’expérience, qui reste toujours plus ou moins obscur en lui-même, mais une définition intelligible comme celles de la géométrie. Aussi, dans les Principes de Newton (1687), l’égalité de pression était déduite de la nature ou de l’essence du fluide, défini « un corps dont les parties cèdent à une force quelconque qu’on leur imprime et se meuvent facilement entre elles en cédant à cette force ». Il est vrai que d’Alembert (1770), trouvant que les conséquences de cette définition ne s’accordent pas toutes avec les phénomènes, se contenta de l’égalité de pression en tous sens, c’est-à-dire du fait d’expérience tout simple, comme fondement de l’hydrostatique ; et Euler fut du même avis. Mais, après eux, Lagrange (1788) déduisit de nouveau les lois de l’équilibre des fluides « directement de la nature même des fluides considérés comme des amas de molécules très déliées, indépendantes les unes des autres et parfaitement mobiles en tous sens », et il n’employa que le principe général de l’équilibre dont on fait usage pour les corps solides[1]. N’était-ce pas réaliser en partie le rêve de Descartes, qui, après avoir lu les Dialogues de Galilée, songeait à déterminer d’abord la nature de la pesanteur, comme en géométrie on commence par définir les essences, puis à déduire de là peu à peu les phénomènes ?

Mais, avant de constituer cette physique mathématique, une physique expérimentale était nécessaire, et c’est l’honneur de Pascal de l’avoir établie, en contribuant mème déjà pour une notable part à fonder l’autre. Les expériences, disait-il, sont les seuls principes de la physique. Après lui, plusieurs physiciens se conformèrent à cette règle, en particulier Rohault, d’ailleurs partisan de Descartes, et qui

  1. Ces renseignements sont empruntés au travail de Ch. Thurot (Rev. archéol., 1869, t.  XX, p. 25-26).