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ADAM.pascal et descartes

avait « une adresse merveilleuse pour trouver de belles expériences et pour les expliquer. » Il modifia même un peu la théorie de Pascal sur l’équilibre d’un liquide dans deux tuyaux qui communiquent ensemble : « Si l’un est fort menu, comme de la grosseur d’une épingle, l’eau s’y tient plus haut que dans le plus gros », au lieu d’être de même niveau des deux côtés[1]. Or le même Rohault publia, en 1671, un Traité de physique, qui fut longtemps en faveur dans les écoles, et qui fit hésiter les maîtres, pour l’enseignement de cette science, entre lui et Descartes. Beaucoup plus tard, le P. André, disciple de Malebranche, ne savait, disait-il, s’il devait commencer par établir la vraie idée ou définition du corps, puis les lois de la nature ou les règles du mouvement, pour déduire de là le système général du monde, et descendre comme par degrés aux choses plus particulières, ou bien, au contraire, après avoir expliqué les effets particuliers de la nature, que nous voyons arriver auprès de nous, par exemple, ceux qu’on appelle expérience du vide et autres semblables, monter de là au système général du monde ? « M. Descartes, ajoutait-il, a suivi la première méthode, qui me paraît la plus belle, et M. Rohault a suivi la seconde, qui est peut-être la plus proportionnée à la capacité des commençants[2]. »

Quoi qu’il en soit, pour établir le fondement solide de la science, la méthode de Pascal qui réunit si bien le raisonnement et l’expérience, qui ne s’élève que par degrés, non pas du simple au composé, suivant le mot de Descartes, c’est-à-dire de l’essence aux propriétés ou particularités, comme en géométrie, mais des faits à

  1. Préface de M. Périer à l’édit. des deux Traités de Pascal, en 1663 : « Lorsqu’il (Pascal) a fait ces deux traités, on n’avait pas encore trouvé ces nouvelles expériences des petits tuyaux, dont l’invention est due à M. Rho. » Ce physicien, dit Ch. Thurot, est complètement inconnu. Mais Rho est une faute d’impression, sans doute, pour Rohault. Leibniz, dans une lettre à Nicaise, du 5 juin 1692, dit « Je ne connais que les petits tuyaux de M. Rohaut, qui méritent le nom d’une découverte d’un cartésien » (p. 214, t.  II des Frag. philos., Cousin, 1838). Elle était connue en Hollande, dès 1659 ; car Chapelain écrivait à Huyghens, le 18 août de la même année : « L’expérience que vous me marquez, et qu’il (un M. Guisoni) a faite en votre présence, fut examinée dans l’assemblée (chez M. de Montmort), et il me souvient qu’en disant mon avis j’attribuai cette ascension de l’eau dans le petit tube plus haut que dans le grand à la plus grande impression de la colonne d’air sur le tube large que sur l’étroit : cette pensée eut beaucoup de partisans, encore que d’ailleurs elle fût contredite. » (Lettres manuscrites de Chapelain, t.  IX, fo 47, à la Bibl. Nat.) — C’est un phénomène de capillarité ; déjà au xviie siècle les tubes « de la grosseur d’une épingle », ou même moins, s’appelaient tubes capillaires. Ch. Thurot cite à ce sujet un texte de Wallis, 1674 (Opera, II, 714) : « Vitreum tubulum exilem valde capillarem vocant vitrarii. »
  2. Lettre du P. André à l’abbé de Marbœuf, du 2 sept. 1715 (p. 369-370, t.  I, Le Père André, édit. Charma et Mancel, 1857).