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au-dessus de l’horizon. M. Stroobant n’a pu répéter l’expérience sur la lune près de l’horizon, vu que cet astre n’a pas alors assez d’éclat pour donner naissance à une image accidentelle, mais il a opéré sur le soleil et il a trouvé ainsi une distance de 48 mètres, à peu près égale et même inférieure à celle qu’avait trouvée Plateau. D’où il conclut naturellement que nous reportons les astres à la même distance, qu’ils soient à l’horizon ou qu’ils soient au méridien[1].

L’observation est très intéressante et l’argument des plus spécieux ; mais il nous semble que les chiffres obtenus constituent une évidente réfutation de ce dernier, car qui peut prétendre que le soleil ou la lune à l’horizon ou même au zénith paraît être à une distance de 50 mètres ? Il conviendrait évidemment d’expliquer la contradiction entre l’apparence incontestable et le résultat de l’expérience de M. Stroobant, mais cette explication n’est pas nécessaire pour qu’on puisse affirmer que l’argument renferme un vice essentiel[2]. Les anciennes théories subsistent donc ; mais elles sont loin d’expliquer les faits avec une précision telle qu’il n’y ait pas lieu d’accueillir celles que M. Stroobant propose d’y substituer ; nous arrivons maintenant à l’objet principal de la présente note qui est de faire connaître ces théories et surtout les expériences sur lesquelles elles reposent.

M. Stroobant a présenté à l’Académie de Belgique deux mémoires insérés dans les bulletins des années 1884 et 1885[3] : ils se complètent naturellement l’un l’autre, et comme certaines questions sont reprises dans le second après avoir été traitées dans le premier, nous les résumerons sans distinguer entre les deux ; nous avons du reste fait déjà quelques emprunts au second.

M. Stroobant s’est demandé si une grandeur quelconque étant donnée à l’horizon, elle paraît plus petite lorsqu’on la transporte au zénith. Pour le reconnaître, il a opéré de la manière suivante : « Dans une salle complètement obscure, on produisait, près du plafond, deux étincelles électriques séparées l’une de l’autre de 20 centimètres. Au niveau de l’œil de l’observateur, on en produisait deux autres dont on pouvait augmenter ou diminuer l’intervalle à volonté, et l’on faisait mouvoir l’une d’elles jusqu’à ce que son écartement de l’autre parût le même que celui des étincelles du plafond. On avait soin que la distance de l’œil aux étincelles horizontales et zénithales fût la même et que la droite joignant les deux étincelles fût toujours normale au plan médian de l’observateur. » Ces expériences nombreuses faites au moyen de plusieurs observateurs ont donné une moyenne différant peu de 0,8, la

  1. Dans la Revue philosophique de février 1888 (p. 164), M. Dunan indique une distance de 200 mètres, sans en donner la source.
  2. Ainsi que le remarque M. Dunan, ces expériences signifient que l’état musculaire de nos yeux est tel que, si aucune association d’idées, aucun jugement plus ou moins conscient n’intervenaient, nous apercevrions l’astre à la distance trouvée. L’expérience confirme donc la perception d’une distance fondée sur autre chose que l’état de l’œil.
  3. Tomes VIII, p. 719, et X, p. 315.