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de démontrer l’existence de la matière, et qu’il ne la pose que comme un simple postulat.

Sur la persistance d’une même quantité de vie dans l’univers, sur la distinction entre l’homme et l’animal, sur la suprématie de la pensée et son origine divine, les idées de Buffon sont en opposition presque absolue avec l’athéisme et le matérialisme du xviiie siècle. M. Nourrisson le montre avec une sympathie communicative, et il trouve dans le grand naturaliste le soutien le plus ferme, le plus autorisé, de cette philosophie spiritualiste de la nature dont il a esquissé les traits essentiels à la fin de son introduction.

L. C.

Max Müller. Biographies of Words and the home of the aryas. (Biographies des mots, etc.) In-18. London. Longmans.

Ce nouveau livre de M. Max Müller sera fort utile à ceux qui voudront se former une opinion raisonnée sur la demeure probable des peuples de race aryenne avant leur séparation et leur dispersion dans l’Asie occidentale et dans l’Europe entière. Ils y trouveront aussi des indications sur leur état social, leur degré de civilisation, leurs usages, etc., tirées d’observations et de comparaisons linguistiques qui, pour n’être pas nouvelles, n’en ont pas moins le grand mérite et le grand intérêt d’être groupées avec une méthode sûre et interprétées avec une sagacité prudente.

L’auteur démontre, victorieusement selon nous, le mal fondé des hypothèses récentes d’après lesquelles ce serait le nord de l’Europe, et non les régions de l’Asie qui s’étendent entre l’Himalaya et la mer Caspienne, comme on le croyait généralement naguère, et comme le croit encore M. Max Müller, qui aurait été le lieu de la résidence jadis commune aux ancêtres de notre race. Aucun des documents dont on dispose pour résoudre ces questions n’est absolument décisif dans un sens ou dans l’autre ; mais les indices favorables à l’origine asiatique conservent auprès de tout esprit non prévenu une valeur prépondérante. Pour nécessiter l’abandon de l’ancienne théorie, il faudrait des preuves bien autrement positives que celles qu’on prétend nous fournir et, tant qu’on n’en donnera pas de telles, il ne faut pas s’étonner que l’on continue de s’en tenir à des hypothèses qui n’ont pas cessé de garder un caractère de grande vraisemblance.

Nous n’oserions dire que les parties de son livre où M. Max Müller aborde des questions qui touchent à la philosophie du langage sont aussi louables que celles dont nous venons de parler. S’il a parfaitement raison en soutenant, contre Cousin, que tout mot à signification morale ou abstraite n’offre quant à celle-ci que le résultat d’une évolution métaphorique qui a transformé une idée matérielle en idée intellectuelle, comme pour le latin spiritus, dont le sens de souffle vital est