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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/393

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p. janet. — cas d’aboulie et d’idées fixes

les faits sans cette préoccupation. 2o Dans cette explication de l’aboulie, les auteurs semblent croire que ce symptôme se manifeste seul. Nous avons vu que, le plus souvent, l’aboulie est accompagnée par’des mouvements automatiques nombreux, une très grande suggestibilité, des idées fixes et des impulsions. Si l’absence des désirs explique à la rigueur la disparition des actes volontaires, nous comprenons mal comment ce calme des passions va amener des idées fixes et des impulsions. 3o Enfin, les faits que nous avons observés sur plusieurs sujets de ce genre ne nous paraissent pas justifier cette supposition. J’ai appris, à mes dépens, combien Marcelle était susceptible et émotionnable : un mot maladroit, une question indiscrète la mettent au désespoir : elle a pleuré pendant toute une journée et s’est fâchée contre moi pendant huit jours, parce que je lui avais demandé ce qu’elle buvait à table chez ses parents. Elle a des colères extrêmement rapides qu’elle ne peut pas maîtriser ; elle est craintive et même peureuse au dernier degré. Les affections qu’elle a conservées pour quelques personnes sont aussi vives que sa haine pour ses parents. Enfin, je constate chez elle tous les genres d’émotions et toutes les passions. Il en est de même d’ailleurs pour toutes les autres malades du même genre ; elles ne sont pas trop peu sensibles, elles sont beaucoup trop émotionnables, comme des hystériques. Ce caractère, du reste, ne nous surprend pas : les émotions se rattachant probablement à cet automatisme des idées et des mouvements qui n’est pas ici supprimé, mais exagéré.

Ce sont les facultés intellectuelles de ces malades, qui semblent bien plus altérées ; nous l’avons déjà vu en parlant des idées fixes, il faut y revenir encore. On demande ordinairement dans les examens médicaux d’apprécier l’intelligence d’une malade ; cette question, toujours difficile, est bien plus embarrassante encore avec Marcelle. En effet, au premier abord, on croit avoir affaire à une personne intelligente ; elle cause en général facilement, quand elle n’est pas trop intimidée ; montre qu’elle a reçu quelque instruction, et sur certains sujets, en particulier quand on lui parle de son père, fait preuve de délicatesse dans ses jugements. Mais essayons de mesurer son intelligence avec un critérium dont on se sert souvent. Cherchons ce qu’elle a appris, ce qu’elle a compris des choses qui se passent autour d’elle. Interrogeons-la en particulier sur son séjour à l’hôpital. Il y a dans un hôpital et surtout dans un asile d’aliénées, mille choses qui doivent frapper une jeune fille. Les malades, les infirmières, le médecin, les visites faites dans les salles,