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répondre, toujours en nous appuyant sur des observations et des expériences, à trois objections que l’on fait volontiers à la conception purement mécanique des phénomènes de la vie. Ceux qui admettent, chez les Protozoaires, l’existence de fonctions psychiques qu’on ne découvre avec certitude que chez des êtres doués d’appareils d’innervation supérieurs, soutiennent que ces organismes unicellulaires manifestent avec évidence des signes de ces fonctions dans la préhension des aliments, la construction des habitacles et les phénomènes de conjugaison.

Qu’il ne soit plus permis, dans l’état actuel de la science, de parler d’un choix, j’entends d’un choix conscient, impliquant une représentation consciente et définie de l’objet, chez les Protozoaires, dans la recherche des aliments ou dans celle des matériaux de construction des habitacles, c’est ce qui résulte avec clarté des travaux les plus récents, de ceux de Maupas et de Max Verworn en particulier. Chez les Amibes et les Rhizopodesamiboïdes, les particules nutritives, et bien d’autres substances encore, grains de sable, carapaces de Diatomées, etc., sont indifféremment entourées par la matière visqueuse des pseudopodes et incorporées à l’organisme, c’est-à-dire charriées dans le cytoplasme. « J’ai vu, écrit M. Verworn, une Amibe diffluente absorber en rampant deux éclats de verre bleu, l’un après l’autre, les agiter quelque temps dans son corps, puis les expulser. » Chez ces êtres, il ne peut donc être question d’un choix conscient dans la préhension de la nourriture[1]. Chez d’autres formes de Rhizopodes, au contraire, certaines substances nutritives attirent seules les organismes et déterminent l’orientation de leurs mouvements dans un sens déterminé : ainsi les plasmodies d’Aethalium recherchent et incorporent des morceaux de tan. Mais ce trophotropisme n’est, nous l’avons dit, qu’un cas des phénomènes de chimiotropie. D’autres Rhizopodes encore, pourvus de pseudopodes en forme de filaments, tels que les Héliozoaires et les Thalamophores, ne capturent que des proies vivantes. Or c’est un phénomène de nature toute

  1. « Grâce à l’obligeance de M. le professeur Bouchard, j’ai pu prouver expérimentalement que les macrophages de la rate absorbent les corps étrangers. J’ai préparé une émulsion très fine de vermillon dans l’eau distillée et en ai injecté lentement, deux jours de suite, 15 à 20 centimètres cubes dans la veine latérale de l’oreille de plusieurs lapins. Les animaux… ont été tués vingt-quatre à quarante-huit heures après. La rate a une couleur brique due au vermillon ; les particules de cette substance sont contenues dans les cellules épithélioïdes, qui sont de véritables phagocytes. » De même pour les cellules épithélioïdes du poumon, qui sont des cellules amiboïdes, des macrophages. « Enfin les cellules épithélioïdes des glandes lymphatiques sont aussi capables d’absorber des particules de corps étrangers. » Rüffer, Note sur la destruction des microbes par les cellules amiboïdes. Assoc. méd. brit., session de Birmingham, 1890 ; Sem. méd., 1890, 311).