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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/469

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e. de roberty. — de la théorie de la connaissance

On peut objecter que nous tombons là dans un idéalisme qui nous ramène directement à Platon et aux réalistes du moyen âge. Aussi bien que l’accusation de matérialisme, ce reproche semble puéril et peu fondé ; ou plutôt les deux objections se confondent à nos yeux et appuient par là notre thèse. Elles prouvent de façon péremptoire le vide absolu de toutes les formules métaphysiques.

Le physiologiste, avons-nous dit quelques pages plus haut, accepterait volontiers l’hypothèse de l’idéaliste, si elle se laissait démontrer par l’expérience. Nous pouvons affirmer maintenant que les faits réalisent notre supposition. Le physiologiste admet les deux hypothèses.

Il ne commet pas l’erreur du matérialiste, il ne confond pas le « moi » avec le « non-moi », la forme avec le contenu, la pensée avec la chose pensée ; il ne déclare pas que la matière est tout, et l’idée — rien, si elle n’est pas la matière. Mais il ne s’inféode pas non plus à l’illusion de l’idéaliste qui consiste à affirmer… absolument la même chose, en transposant seulement les termes de l’équation, en soutenant que l’esprit, l’idée, le moi sont tout, et que l’univers, la matière, le non-moi ne sont rien s’ils ne sont pas l’idée. À la confusion réelle inséparable du monisme transcendant il oppose l’identité idéale poursuivie et atteinte par le monisme logique dans la science aussi bien que dans la philosophie.

D’autre part, cependant, le physiologiste convient avec le dualiste qu’il existe, entre l’idée et le fait, une distinction urgente, nécessaire, précieuse. Mais au rebours du dualiste qui proclame l’irréductibilité de cette différence, il reconnaît aussi avec le moniste la probabihté infiniment plus grande de l’hypothèse contraire. Il pose hardiment cette hypothèse et tâche de la vérifier.

Nous voyons ainsi le savant spécial accepter toute une série de suppositions qui se contredisent et s’opposent dans la philosophie pure, mais qui dans la science, sur le terrain des faits concrets et individuels, semblent se développer sans se détruire mutuellement. Ne serait-il donc qu’un philosophe éclectique dans la pire acception du terme ?

En aucune façon. Il ne s’agit pas ici le moins du monde d’éclectisme, de la méthode qui consiste à manquer de méthode, du raisonnement qui consiste à enfreindre les lois de la logique en laissant les contradictions les plus frappantes vivre paisiblement les unes à côté des autres. Il s’agit d’une conciliation non seulement expérimentale, mais encore essentiellement rationnelle. Le métaphysicien ajoutera ou n’ajoutera point créance à cette conciliation ; il se refusera, en tout cas, à la comprendre. Rien de plus naturel que cette