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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/468

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ou attributs généraux coïncident nécessairement. En tant qu’abstraction pure, le « moi » se laisse donc entièrement réduire au « non-moi », considéré également in abstracto, et vice versa. Soutenir que la première idée diffère par essence de la seconde est un paralogisme. Dans la langue hiératique de la philosophie, comme dans le langage démotique du vulgaire, le terme « essence » désigne des attributs communs à plusieurs espèces d’un seul genre et dont l’identité ne peut se dénier dans toute opposition vraiment générale ou abstraite. L’esprit humain ramène nécessairement toute chose à l’idée de cette chose, ce qui, traduit en termes psycho-physiologiques, signifie que l’appareil cérébral réduit toute excitation extérieure ou excentrique à l’excitation intérieure centrale et inconsciente, et celle-ci à l’excitation intérieure périphérique et consciente.

Il s’ensuit que l’esprit humain ne peut rationnellement aspirer qu’au monisme logique. La réduction des choses à leurs idées est la seule réduction possible des choses entre elles, et la seule qui s’effectue régulièrement dans les sciences de la nature extérieure aussi bien que dans la psychologie ou la sociologie. La science vise et atteint les caractères essentiels ou communs, les cas appelés généraux. Elle ne s’adresse aux cas concrets et particuliers qu’afin d’en extraire des idées, des notions générales. En ce sens encore, d’ailleurs peu usité, la science se révèle fatalement ainsi qu’un idéalisme inéluctable.

IV

Récapitulons cette controverse.

. La conscience, toujours personnelle, toujours subjective, sert à coordonner, à grouper entre eux les mouvements, les faits ou les événements dont la foule incohérente envahit du dehors, à chaque moment du temps, un cerveau normal. Quant à ces événements eux-mêmes, il ne faut y voir que des effets de la cause appelée « univers » et, par suite, que des indicateurs, des représentants, des remplaçants de cette cause. La conscience apparaît ainsi comme une véritable sténographie du cosmos. Mais de même que la sténographie ordinaire se compose d’une série de mouvements abrégés substitués à une série de mouvements plus étendus (écriture habituelle, voix, etc.), de même la sténographie cosmique constitue une véritable algèbre de l’univers qu’elle doit symboliser. Au reste, dans les deux cas, la substitution ne devient possible que par l’identité de nature des choses représentées et des symboles représentatifs.