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LE CARACTÈRE ET LES MOUVEMENTS


I

La question de la personnalité, ou, ce qui revient au même, celle du caractère, est serrée de près aujourd’hui par les psychologues et les physiologistes, et l’on se reprend à espérer que la grande lacune de notre psychologie pourra être comblée. En pareille matière, la divergence des points de vue est fatale ; mais elle accuse par-dessus tout la fécondité du sujet, la richesse des données sur lesquelles s’appuiera la science des caractères. Différences d’aperçus, d’ailleurs, plus que de doctrine, et l’on pourrait déjà maintenant esquisser une éthologie qui satisfit à peu près tout le monde.

Il semble, d’abord, qu’on ne s’entend pas toujours sur le sens du mot caractère. Quelques-uns y voient la manière habituelle, pour chacun de nous, de sentir, de comprendre et d’agir. D’autres estiment que le caractère est essentiellement le mode individuel des sentiments et de la volonté, et que l’intelligence n’en est pas un élément constitutif. Nous ferons observer à ces derniers qu’il est bien difficile de séparer dans l’analyse les trois facultés fondamentales de l’esprit, si étroitement unies en fait. Elles sont toutes les trois modifiées par les mêmes causes physiologiques dont elles dépendent, et c’est une sérieuse raison de les étudier toutes les trois ensemble, quand il s’agit d’une science du caractère, cette résultante morale de toutes les fonctions de la personne humaine. On nous objectera que « l’ambition de César peut se rencontrer dans des âmes dont l’intelligence est médiocre et l’énergie nulle[1] ». Le croit-on bien ? Une ambition peut ressembler par ses fins ou même par ses moyens apparents à celle du célèbre dictateur, mais elle sera conduite par des mobiles et des motifs tout autres : nous en avons une preuve matérielle sous nos yeux. L’ambition de César est un effet

  1. Martin, l’Éducation du caractère, p. 90, chap.  iii.