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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/646

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mie des tissus, et par opposition il a appliqué l’appellation d’anatomie spéciale à l’anatomie des organes et des appareils.

Mais Bichat eût dû savoir que la généralité et la spécialité dont il s’agit quand on distingue par ces mots les deux faces opposées d’une science expriment des relations d’extension abstraite, nominale, et non d’extension réelle. C’est ainsi que lorsqu’on dit « la chimie générale » on est loin d’entendre par là une partie de la chimie qui concernerait en propre les corps simples, l’extension matérielle desquels est universelle, à l’encontre des corps composés, chez qui elle est plus ou moins restreinte. Par cette expression ou désigne la considération des lois supérieures régissant les actions moléculaires des corps les uns sur les autres, quels qu’ils soient, et les modes de composition qui en résultent pour chacun d’eux. Littré et Charles Robin s’expliquent sur ce point comme il suit dans leur Dictionnaire de médecine :

« Chimie générale ou philosophique. — Elle s’occupe des faits généraux, des lois générales déduites de ces faits. »

Les mêmes sur la Chimie spéciale :

« Elle étudie sur chaque espèce de corps défini, simple ou composé, les caractères et les propriétés propres à chacune d’elles se rattachant aux lois examinées dans la chimie générale. »

Comme on voit, Littré et Ch. Robin, qui sont peu suspects de tendance aux rêveries métaphysiques dont M. Ch. Richet se défie tant, ne voient pas la chimie générale dans la chimie des corps simples, ni la chimie spéciale dans la chimie des corps composés : la première est pour eux la philosophie de la chimie, la seconde est l’application particulière de cette science générale ou « philosophique » aux différentes espèces de corps, « simples ou composés ».

On distingue encore la pathologie en générale et spéciale. Serait-ce donc les maladies dites générales, c’est-à-dire celles qui intéressent la totalité de l’organisme, qui feraient l’objet propre de la pathologie générale, et serait-ce inversement les lésions locales, partielles, qui feraient l’objet distinct de la pathologie spéciale ? Non, pas le moins du monde ; mais laissons ici encore la parole aux célèbres lexicographes positivistes :

« Pathologie générale. — Celle qui réunit les considérations communes, sinon à toutes les maladies, du moins au plus grand nombre d’entre elles, expose les faits les plus généraux de la science médicale, et fonde un langage technique indispensable à l’exposition méthodique des faits généraux ou particuliers. »

Et pour la contre-partie : « Pathologie spéciale. — Celle qui étudie une à une les diverses espèces de maladies auxquelles l’homme est exposé ; … la pathologie spéciale embrasse le champ de la pathologie entière, divisé en autant de chapitres qu’il y a de maladies. »

La thérapeutique à son tour se partage également en générale et spéciale. Voici comment les mêmes auteurs caractérisent chacune de ces deux grandes divisions de l’art de guérir :