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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/650

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science à la hauteur et à la dignité de la chimie moderne, alors qu’elle se trouve réduite jusqu’à présent à la condition infime de la vieille alchimie, au témoignage de Cl. Bernard lui-même, ce juge assurément des plus autorisés et des moins récusables.

Ce que Bichat a eu le mérite de tenter le premier, mais que ni lui ni ses disciples n’ont pu accomplir grâce à un faux aiguillage, j’ai osé l’entreprendre à mon tour, il y a près de quarante ans[1]. Ai-je réussi ? Je le crois naïvement. En tout cas, il me semble pouvoir dire sans trop manquer à la modestie que les solutions proposées par moi méritaient de la part de l’école expérimentaliste un autre accueil que son silence systématique.

M. Ch. Richet assure « qu’on essaye vainement de trouver une base expérimentale aux hypothèses que je présente pour remplacer les faits innombrables présentement démontrés ». Voilà encore deux assertions que je ne saurais laisser passer sans réponse, la dernière surtout, qui me stupéfie. Non, mon cher et très honoré critique, ne m’attribuez pas, de grâce, l’énormité d’avoir voulu remplacer par quoi que ce soit la multitude des faits démontrés, ou mêmo un seul, et le moindre ; il m’aurait fallu être en démence, ni plus ni moins, pour concevoir un pareil dessein. Que mes hypothèses soient expérimentalement vérifiables ou non (le point est à examiner), ces hypothèses avaient pour but, non de remettre sous le boisseau les vérités mises au jour par la physiologie expérimentale, mais d’ouvrir à cette dernière tout un champ nouveau de recherches et de découvertes.

La conception abstraite du tissu avait amené Bichat à celle de l’histologie, et lui avait valu de fonder cette première moitié de la science de l’organisme, science des éléments, des matériaux, de l’étoffe organiques. Restait à se former la notion de ce qui constitue éminemment l’organisme, c’est-à-dire la notion des lois de l’organisation proprement dite, à concevoir, en un mot, l’organologie.

J’ai fait connaître par quel lapsus de logique, sur lequel il serait fastidieux de revenir, le grand homme s’était interdit la gloire d’élever ce couronnement de l’édifice physiologique. Bornons-nous sur ce sujet à répéter que pour poser les bases de l’organologie, il fallait partir de la conception de l’organe abstrait, et déterminer ensuite les parties essentielles et les modes d’action essentiels de cet organe abstrait. C’est là ce qu’un autre a eu le courage de tenter, et voici en deux mots le résultat de son effort.

L’organisme animal, considéré dans les vrais animaux, c’est-à-dire dans ceux qui possèdent un système nerveux quelconque (les autres sont sur les confins indécis des deux règnes animal et végétal) s’est montré à lui comme un composé, un agrégat, une association, une colo-

  1. Voir Electro-dynamisme vital, ou les relations physiologiques de l’esprit et de la matière démontrées d’après des expériences nouvelles et par l’histoire raisonnée du système nerveux. l vol.  in-8o, Paris, 1855 (Alcan).