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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/651

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notes et discussions

nie d’animaux élémentaires dont chacun serait essentiellement formé : 1o d’un centre nerveux, avec centre psychique ou moi inhérent ; 2o de conducteurs nerveux afférents et efférents ; 3o d’organes-outils commis à la mise en rapport électif des conducteurs nerveux avec les agents fonctionnels, actifs ou passifs, en vue d’un résultat final ou travail utile déterminé. Chacun de ces organismes simples composants constituerait un élément organique intégrant, que j’ai appelé organe entier primaire ; et le mode d’activité propre à l’organe entier primaire ou sous organisme élémentaire représente une fonction entière primaire de l’organisme total. Cela étant, l’organisme et la vie se décomposent respectivement en une multitude de parties et de fonctions intégrantes dont chacune porte en elle tout ce qu’a d’essentiel le mécanisme vital considéré dans l’ensemble de l’économie. Et de cette grande loi de l’organisation résulte cette conséquence pratique, dont l’importance est facile à saisir, que la détermination du mécanisme anatomique et physiologique de l’organe entier primaire abstrait et de sa fonction nous donne la clef de la mécanique animale prise en bloc avec toute son énorme et inextricable complexité apparente.

Un corollaire du théorème ci-dessus, qui ne manque pas non plus de portée, c’est la pluralité cérébrale et psychique de l’être humain, c’est son polypsychisme, découlant de son polyzoïsme.

Des esprits enjoués ont pu s’égayer de ces vues, et M. Ch. Richet, qui est un savant d’une autre humeur, car il reste plein d’égards pour ceux dont il goûte le moins les opinions, n’a vu dans une telle conception qu’une vaine hypothèse, qu’une rêverie, qu’un roman. Je m’arrête un instant pour le prier d’observer que les phénomènes de suggestion auxquels il porte un intérêt si précieux, et d’ailleurs si justifié, ne trouvent que là une explication plausible, explication qui est d’ailleurs jusqu’ici la seule qui ait été proposée, Braid lui-même s’étant renfermé à cet égard dans le silence de Conrart, et ses disciples, y compris ceux de l’hypnotisme académique du jour, ayant imité entièrement la prudence du maître. Enfin, j’appelle encore son attention sur un autre point, à savoir que la théorie en cause a paru moins méprisable à Cl. Bernard, qui, tout en s’abstenant religieusement d’en citer le véritable et unique auteur, a fait à l’idée l’honneur insigne de tenter de la faire passer pour sa fille, ainsi que chacun peut s’en assurer en lisant son discours de réception à l’Académie française. Je me contenterai de rapporter ici le passage suivant de ce manifeste :

« Chaque fonction du corps possède ainsi son centre nerveux spécial, véritable cerveau inférieur, dont la complexité correspond à celle de la fonction elle-même. Ce sont là des centres organiques ou fonctionnels (?), qui ne sont point encore tous connus, et dont la physiologie expérimentale accroît chaque jour le nombre. »

La contrefaçon se trouvant mal dissimulée, elle sauta aux yeux de ceux qui avaient connaissance de mes travaux, déjà anciens quoique peu répandus, témoin la Gazette médicale de Paris, qui ne put se tenir