Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
g. mouret. — l’égalité mathématique

tion symétrique a pour squelette une figure géométrique de forme et de composition symétrique, et dont le fondement, d’ailleurs symétrique, est aussi symétriquement placé. Par conséquent la symétrie de toute relation repose, en partie, sur une notion de position relative, c’est-à-dire sur une notion fondamentale de la science de l’ordre. Au reste, la notion de symétrie possède, vis-à-vis celle de l’ordre entre les deux termes d’une relation, un rapport semblable à celui qui a été établi par Herbert Spencer, entre la relation de coexistence et celle de séquence. La coexistence spatiale n’est qu’une séquence non ordonnée ; la symétrie est aussi caractérisée par le manque d’un ordre déterminé entre les deux termes. On pourrait même ajouter que ces deux notions distinctes de coexistence et de symétrie ont une racine commune à laquelle je ne puis appliquer aucun nom, car il n’existe pas de nom suffisamment abstrait pour la désigner.

La notion de symétrie se présente dès le début de la géométrie, dans la définition du plan et de la ligne droite ; c’est ce qu’Euclide avait bien aperçu, et ce que la plupart de ses successeurs ont perdu de vue. Je puis laisser de côté la définition de la ligne droite, car celle-ci dérive de celle du plan ; il me suffira de mentionner la propriété fondamentale de cette dernière figure. Comme toute surface, le plan est une relation entre deux portions de l’espace ; mais ce qui caractérise cette relation et la distingue des autres relations spatiales, c’est cette propriété de rester exactement semblable à elle-même quel que soit l’ordre de ses deux termes ; on sait en effet qu’on peut retourner le plan sur lui-même sans que la coïncidence ne cesse d’être réalisable. Or c’est là précisément le caractère de la symétrie, et de la symétrie la plus complète.

La sphère comporte aussi une symétrie, mais une symétrie qui n’a pas trait à la relation spatiale elle-même, et qui est seulement un attribut de ses termes.

C’est donc sur la symétrie que doit reposer toute définition logique du plan, de la sphère, de la ligne droite et du cercle. Les propriétés mêmes de ces figures ne sont que des cas particuliers des propriétés plus générales des relations symétriques. La symétrie est aussi bien à la base de la géométrie qu’à la base de l’analyse mathématique.

19. Je reviens maintenant à mon sujet. Déjà j’ai montré, quoique incidemment, que le raisonnement inconscient qui fait dériver l’égalité de l’équilibre repose sur la considération de deux relations d’équilibre, supposées conjointes. En réalité, les relations effectivement considérées ne sont pas conjointes, mais abstraction faite de l’inexac-