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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/152

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titude de la supposition, le raisonnement, en lui-même, est exact ; le rapport d’égalité de force dérive bien de la comparaison de deux relations conjointes d’équilibre, ou, en langage ordinaire, de ce point de ressemblance que possèdent les deux corps comparés dans leur force, de faire respectivement équilibre à un troisième corps.

C’est d’ailleurs à peu près la définition qui se trouve reproduite dans tous les traités de mécanique, lorsque les auteurs ne se contentent pas de définir la force par une formule algébrique, telle que mg. Cette définition s’énonce d’ordinaire, en disant que « deux forces sont égales quand elles font respectivement équilibre à une même force ».

C’est là un énoncé sous forme purement conceptualiste, et qui en réalité postule la connaissance préalable de la relation qu’il s’agit de définir. Aussi ne met-il pas en évidence le fait d’indétermination qui rend possible la formation d’une relation définie entre les deux forces comparées.

En réalité, la comparaison ne porte pas sur les forces, êtres abstraits qui n’ont aucune existence indépendante, mais sur des corps matériels qu’on oppose les uns aux autres. La force qui sert de terme de comparaison est donc quelque chose d’indéterminé, et il faut admettre que ce quelque chose peut changer, sans que la comparaison faite conduise à des résultats différents ; il faut admettre un principe d’indétermination, sinon la définition de l’égalité n’a pas de sens.

Je précise : si, après avoir constaté que le corps M, soumis à une certaine force[1], fait respectivement équilibre aux corps A et B soumis aussi à certaines forces, on constatait que tout autre corps N ne fait pas équilibre au corps B, par exemple, quoique soumis encore à une force telle qu’il fasse équilibre au corps A, la notion d’égalité des forces de A et de B serait doublement relative, car elle dépendrait de la nature et du mouvement du troisième corps M ou N. Les deux corps A et B qui, opposés au corps M, se comportent de la même manière, perdraient ce point de ressemblance quand ils agiraient sur un autre corps N. Il n’y aurait donc pas dans l’idée de ressemblance d’action, qui constitue notre notion de l’égalité, cette constance qui caractérise une relation entre deux termes. Par le fait, il y aurait une relation, non pas entre les deux forces, mais entre les trois forces. Or ce n’est pas là le caractère du rapport d’égalité, lequel ne comporte que deux termes. Si donc la notion d’égalité se constitue, c’est

  1. C’est-à-dire à une cause de mouvement.