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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/185

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a. espinas. — la technologie artificialiste

l’assemblée des dieux et d’eux-mêmes reviennent à leur place », et d’un chœur de marionnettes qui tantôt tourne tout entier comme la roue du potier, tantôt se sépare en deux files qui vont l’une au-devant de l’autre[1]. Il est question dans les mêmes poèmes de liens à constriction automatique dont Vulcain enlace Mars et Vénus. Bien que des poupées articulées aient existé dans les temples égyptiens[2], on a peine à croire que ces passages des poèmes homériques soient antérieurs à la recension de Pisistrate. Des traditions, sans doute du même temps, mais reculées de même dans une lointaine perspective et rattachées au nom de Dédale, racontaient qu’on avait vu une Vénus de bois se mettre en marche quand on y versait du mercure[3] et que d’autres statues, toujours prêtes à rouler, s’échappaient dès qu’on les déliait[4]. Ces mécanismes anciens étaient sans doute faits de cordes et de poulies. D’autres plus récents, mais qu’Aristote mentionne sans les considérer comme une nouveauté, étaient composés d’une série de roues de fer ou d’airain qui roulaient l’une sur l’autre à frottement dur et se transmettaient le mouvement dans des sens opposés[5]. Il ne semble pas que la religion de ce temps ait souvent fait usage de pareilles merveilles pour tromper les simples ; mais du moins elles étaient placées dans les temples et on les admira comme des curiosités mystérieuses, peut-être tout au plus en fit-on des jouets de luxe avant de songer à les utiliser pour les besoins de l’homme.

Pendant ce temps les machines usuelles se développaient sans mystère. Déjà les machines théâtrales que suppose par exemple le Prométhée d’Eschyle sont des applications sérieuses des connaissances mécaniques de l’ordre le plus simple. Le ve siècle les vit se multiplier. Xerxès se servit de cabestans, on les appelait des ânes, pour tendre d’un rivage à l’autre de l’Hellespont des câbles destinés à retenir le pont de bateaux. Et quand le même Xerxès fait couper par un canal l’isthme qui rattache le mont Athos à la terre ferme, l’historien s’étonne qu’il n’ait pas fait simplement traîner les navires par terre, montrant ainsi que l’emploi de cabestans, de poulies et de moufles, indispensable à un pareil travail, était alors chose ordinaire. Grâce à de tels engins les navires corinthiens avaient pu franchir l’isthme, traînés sur le δίολκος. Les marins et les architectes en utilisaient cou-

  1. Iliade, XVIII. Héron montra plus tard comment ces automates avaient pu être réalisés. Voir A. de Rochas, Origines de la science et ses premières applications, Paris, 1884, p. 153.
  2. Maspéro, Archéologie égyptienne, Paris, Quantin, p. 107.
  3. Aristote, De l’âme, 406, b, 18.
  4. Platon, Ménon, 97, e.
  5. Aristote, Questions mécaniques, 848, a, 30.