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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/186

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ramment de semblables. Les médecins, comme nous le verrons bientôt plus en détail, avaient les leurs pour réduire les luxations rebelles. L’attaque et la défense des places fortes mirent à leur tour à contribution les progrès de l’art mécanique. Les Perses, imitant les Assyriens, s’étaient servis de machines au siège de Milet, Miltiade, au siège de Paros. Périclès battit les murs de Samos avec des engins inventés et dirigés par un ingénieur, Artémon (439). Il y eut de tels engins en 429 au siège de Platées. Xénophon montre son stratège idéal, Cyrus, obligeant ses parents et ses amis à fournir chacun sa machine de guerre. Mais il semble qu’il ne s’agit encore que d’abris roulants poussés à force de bras qui portaient l’assaillant à couvert avec le bélier soit au pied du mur, soit, grâce à un remblai (χῶμα), jusqu’au chemin de ronde. C’est plus tard, d’après Diodore de Sicile, que la catapulte fut inventée à Syracuse dans la guerre contre les Carthaginois (vers 396). Il est vrai qu’un soldat est signalé dans la collection hippocratique comme ayant été blessé par une catapulte devant Datos, à la date de 453, selon certains auteurs ; mais cette interprétation est sujette à controverse » et nous devons nous en tenir au témoignage de Diodore confirmé par Aristote. Celui-ci rapporte clairement l’invention comme récente et reflète l’émotion qu’elle a causée. Dans un autre passage, il cite comme exemple de meurtre involontaire le cas d’un homme qui fait partir une catapulte en la touchant maladroitement, ce qui prouve que, de son temps, le maniement de ces engins nouveaux exigeait des connaissances spéciales.

Les mécanismes automatiques (à poids ou à ressorts) qui existaient au ve siècle étaient donc rares et furent peu remarqués. Tous les « appareils » employés par l’art de l’ingénieur étaient mus directement par le bras de l’homme ; c’étaient pour les contemporains de simples instruments ; on les appelait communément ὄργανα. Hippocrate se sert, comme nous le verrons, du mot μηχανή pour désigner des appareils de réduction ; mais ces appareils, outre le banc à manivelles, comprennent le levier et même le coin, simples instruments sans aucun doute : ils n’agissent que poussés par la main humaine Son emploi du mot est plus littéraire que technique ; il sent un peu l’emphase médicale ; chez lui μηχανή signifie plutôt encore ressource extraordinaire, artifice, moyen ingénieux que machine au sens moderne. Nous citerons une phrase qui permettra au lecteur d’en juger. Du reste Hippocrate est de la fin du ve siècle. Aristote désignera encore la plupart du temps par le mot organon les machines les plus complexes à lui connues. À plus forte raison, au temps de Périclès, l’idée de la machine à mouvement spontané était-elle étrangère à