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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/275

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a. espinas. — la technologie artificialiste

est pleinement convaincu des avantages de la sélection artificielle qu’il décrit avec toute la précision souhaitable, et qu’il emprunte à l’art des éleveurs pour l’appliquer à la politique[1]. C’étaient surtout des oiseaux de combat, des coqs et des cailles, des oiseaux de proie et des chiens de chasse dont on avait perfectionné la race par ces procédés[2]. On allait même jusqu’à promener ces oiseaux de combat sur le poing ou sous les bras pendant de longs stades, pour leur procurer (selon le précepte d’Hippocrate, que l’exercice modéré fortifie) du mouvement sans fatigue[3]. Enfin il semble que ce soit aux éleveurs de volailles et de bestiaux que l’on ait emprunté ridée de faire à volonté des corps humains de telle ou telle complexion, selon le régime et l’alimentation choisis. Les athlètes étaient eux-mêmes des produits de l’art. On avait des procédés pour l’engraissement et l’amaigrissement rapides, et on croyait pouvoir discerner la maigreur résultant de la maladie, de la maigreur due à l’entraînement. Cet art de la τροφή pouvait se croire, à l’égal de la médecine, le maître des corps.

Le dressage n’était pas moins sûr de sa domination sur les instincts. Il avait employé d’abord la coercition. C’est par la force et la souffrance que les chevaux étaient domptés, car jusqu’au ive siècle on se servit de ce mot qui semble faire allusion à une domestication incomplète de l’espèce pour désigner la première éducation du cheval[4]. Mais quand on employa celui-ci comme monture, et qu’il fallut le former à des mouvements assez éloignés de son allure naturelle, on comprit l’insuffisance et même les dangers des corrections brutales. Xénophon ne fait que développer les indications de son devancier Simon, dans les remarques comme celle que nous allons citer. « Quelques-uns, dit-il, font suivre le cheval par un homme qui frappe les jambes avec une baguette pour le faire enlever ou courber. Mais le meilleur moyen de l’instruire selon nous et d’après notre recommandation incessante, c’est que quand le cheval a accompli quelque chose au gré du cavalier, on lui accorde un instant de relâche. En effet, comme le dit Simon, dans ce qu’il fait par force le cheval ne met pas plus d’intelligence ni de grâce qu’un danseur qu’on fouetterait ou qu’on piquerait de l’aiguillon. Attendez-vous à trouver disgracieux plutôt qu’élégants l’homme et le cheval traités de la sorte. C’est uniquement par les

  1. Rep., V, 459, a, et IV, 424. Ces deux passages sont décisifs ; voir encore Lois, 735, a.
  2. Lois, VII, 789, 6.
  3. Platon conseille aux femmes enceintes de promener de même leur fardeau, Lois, loc. cit.
  4. D’après un passage de Télés, philosophe du ive siècle, cité par Stobée, Florilegium, 98, 12.