Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
revue philosophique

signes que le cheval doit être amené à exécuter de plein gré les mouvements les plus beaux et les plus brillants[1]. » C’est par des procédés de cette sorte que les bateleurs obtenaient des merveilles d’oiseaux ou de singes savants ou domptaient les lions et les ours[2], que les diverses races de chiens avaient été dressées les uns à une chasse, les autres à une autre, et que la vigilance naturelle des oies avait été utilisée pour la garde du logis.

Il fallait de la réflexion pour dégager chez l’animal comme chez l’homme derrière le mobile que met en jeu la contrainte, ceux qu’éveillent des traitements plus doux. Il semble que le régime théologique ait fait peser sur l’esprit des jeunes gens un joug assez lourd, si l’on en croit les éloges qu’adresse Xénophon à l’éducation dorienne. « Lycurgue voulant imprimer fortement la modestie dans les cœurs a ordonné qu’on marchât dans les rues en silence, les mains sous sa robe, sans tourner la tête de côté et d’autre, les yeux toujours fixés devant soi. On voit que l’homme est plus capable encore que la femme de s’imposer à lui-même une modeste réserve. Vous ne les entendriez pas plus parler que des statues de pierre. Leurs yeux ne seraient pas plus immobiles s’ils étaient d’airain. Enfin, on peut dire qu’ils sont plus modestes que les vierges elles-mêmes dans la chambre nuptiale[3]. » Du moins ce joug était porté allègrement, parce qu’il était imposé par les lois divines, et ces jeunes gens dont parle Aristophane qui marchent en chantant sous la neige sont un juste symbole de l’éducation religieuse d’autrefois. Dans les cités où le régime théologique s’était relâché de sa rigueur et où les maîtres faisaient appel à des mobiles tout humains pour obtenir l’obéissance, la contrainte avait d’abord paru constituer la discipline la plus sûre et la plus expéditive. L’enseignement s’était compliqué ; à la musique s’étaient jointes la lecture, l’écriture et l’étude des poètes ; les exercices gymniques s’étaient perfectionnés ; l’enfant et le jeune homme avaient à apprendre plus de choses dans le même temps. Et il est probable qu’en ce temps l’aptitude à l’attention était beaucoup moindre et moins précoce que de nos jours. Pour l’obtenir, les maîtres de diverses sortes, grammatistes, citharistes, pédotribes s’étaient trop facilement laissés aller à remplacer la crainte des dieux, qui diminuait, par la crainte des coups. La baguette jouait un très grand

  1. De l’Équitation, XI 6. Des remarques semblables se trouvent aux chapitres II, VI, VIII, à la fin, et IX du même traité. Xénophon compare, Hipparque, VI, les hommes mêmes soumis au commandant de cavalerie à la matière docile aux doigts de l’ouvrier. Toujours l’organon et la démiurgie.
  2. Hermann’s Lehrbuch der Griechischen antiquitaten, t.  IV, p. 117 et 504.
  3. Rép. lacédémonienne, chap.  III.