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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/361

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f. evellin. — méthode dans les problèmes du réel

cevoir une nature qui ne soit pas vraiment une, et pour qu’elle le soit, il faut que les êtres qui la composent ne soient ni absolument différents les uns des autres, ni, par suite, totalement étrangers les uns aux autres. Or on peut croire qu’un de ces êtres tombe directement sous nos regards, et, se montrant comme à nu, nous apparaît dans la vérité de sa nature. On conçoit alors que nous en fassions le type de la réalité tout entière. C’est donc à son image que nous nous représentons et que nous devons nous représenter la vie intérieure des êtres qui nous environnent, avec les atténuations et les réserves que l’expérience peut indiquer.

Il semble que la raison n’ait pas à élever contre ce procédé d’objection radicale. Ajoutons que les conclusions auxquelles il conduit, pour n’avoir ni toute l’étendue ni toute la précision qu’on pourrait souhaiter, s’imposent en ce qu’elles ont d’essentiel à tous les esprits qui, prenant le monde au sérieux, en font autre chose qu’un jeu de la pensée et une illusion du sens commun. Depuis Leibniz, tous les philosophes dignes de ce nom qui ont affirmé la réalité du monde, en ont fait un ensemble ou un système d’activités spontanées et de vouloirs.

Il s’en faut pourtant que la méthode d’analogie ainsi conçue échappe aux difficultés et soit à l’abri de la critique. Ni le point de départ ni le procédé qu’on emploie ne suffisent à donner des résultats aussi précis et aussi féconds que ceux qu’on peut se promettre d’une étude bien dirigée et systématique du réel. Essayons de le montrer.

Le point de départ est, venons-nous de dire, l’observation intérieure. À ce propos, on a maintes fois répété que l’être qui pense doit se connaître et qu’en fait il se connaît, et néanmoins on n’a pu encore soustraire à la discussion et mettre au-dessus de la critique des propositions en apparence si certaines, soit qu’au fond, et à y regarder de très près, il y ait lieu d’en douter, soit qu’en pareille matière le doute ait toujours quelque apparence de fondement. Quoi qu’il en soit, pas plus en métaphysique qu’en aucun ordre de sciences on ne saurait partir d’un principe discuté, et pour peu qu’on puisse craindre que l’essence de l’esprit ne nous échappe, il faut se replier pour trouver un terrain plus solide, et, au lieu de l’essence elle-même, poser à titre de principe, mais de principe visible dans les faits, quelque acte de l’essence dont la réalité soit incontestée. Cet acte, naturellement, devra se subordonner tous les autres et tenir la première place dans la vie de l’âme. Mais alors lequel choisir ? Faut-il, pour expliquer la nature, recourir à la sensation, à la pensée, au vouloir ?