Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
359
f. evellin. — méthode dans les problèmes du réel

que le second ne nous le présente que modifié, et n’en traduit au dehors qu’un accident. Autre chose, on l’a vu, est un acte intime de vouloir et autre chose un acte superficiel de sensation. Unis dans le même sujet et confondus en quelque sorte dans une même histoire, ils ne s’en distinguent pas moins l’un de l’autre comme le simple du composé ou le facteur du produit.

C’est ce qu’on ne démêle pas toujours suffisamment, et, dans ce cas, le phénomène bénéficie plus qu’il ne faudrait de son contact avec l’acte vraiment psychique qui lui prête son essence et le transfigure. Alors, ce n’est plus seulement pour celui qui en parle une nature simple, mais un pur effet du moi, et par suite une sincère et transparente expression de la vie de l’âme.

On conçoit maintenant qu’une somme de phénomènes ainsi conçus ne puisse plus représenter qu’un des aspects généraux de l’existence, ou, si l’on veut, une de ses faces, celle du sujet.

Expliquons-nous :

Comme le sens du mot phénomène s’est trouvé restreint, et qu’au lieu d’être à la fois fonction de l’esprit et de la chose, la sensation n’est plus fonction que de l’esprit, l’intégration qu’on a faite n’a pu être que partielle. Il faut donc la compléter, et pour cela trouver, hors de l’esprit, un fait non moins général que la sensation, fait qui exprime et résume le dehors, comme la sensation est censée exprimer et résumer le dedans.

Ce fait c’est le mouvement.

Posé au même sens que la sensation comme mode pur, il a droit au même nom, et peut s’appeler à son tour phénomène.

Ces conventions faites, la conception métaphysique dont il semble que la synthèse soit l’instrument propre, se dégage telle qu’elle est, et apparaît nettement dans son ensemble.

Le monde est un vaste système d’événements qui remplissent le temps et l’espace et se déploient, à travers ce double infini, en deux séries parallèles : les phénomènes de la matière et ceux de l’esprit.

Chaque être, en un tel monde, est constitué par un groupe de faits empruntés à ces deux séries ou à l’une des deux seulement, selon qu’il a part à la vie supérieure de l’intelligence, ou qu’il ne possède que l’existence brute des corps.

Ainsi se trouveraient, par intégration de points de vue, unis et réconciliés les deux ordres généraux de science qui se proposent d’explorer le champ du réel. Rivales en apparence, psychologie et physique, étudient, chacune en ses limites et avec ses procédés spéciaux, les deux aspects du même tout.