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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/418

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imposant ses lois, ses formes à l’univers. M. Saint-Georges Mivart n’est pas un idéaliste, un disciple de Kant, seulement il étudie l’esprit comme un objet naturel des plus importants, et comme celui aussi sur lequel nos certitudes sont le mieux fondées. Il n’est pas plus évolutionniste ni positiviste que kantiste, et s’il est spiritualiste, c’est d’une manière assez particulière.

Ce qui importe plus que de savoir à quel système se doivent rattacher les théories de M. Saint-Georges Mivart, c’est de savoir si elles sont acceptables. Je crains fort qu’elles ne soient pas généralement jugées telles. Le sens scientifique de l’auteur ne paraît pas s’étendre jusqu’à la psychologie, c’est du moins l’opinion que m’a donnée la lecture de son livre. Je vais tâcher d’exposer brièvement mais aussi exactement que possible ses principales idées.

La conscience est pour M. Mivart un fait d’une importance capitale ; il distingue les phénomènes de conscience de l’activité automatique de l’esprit, sans d’ailleurs indiquer toutes les difficultés de cette séparation, et les groupe pour ainsi dire autour de deux principes distincts.

« Nous avons, dit-il, conscience de nos activités mentales, surtout de celles que nous exerçons délibérément. Quand nous voulons examiner ce que nous pensons, nous savons bien que nous pouvons avoir conscience de nos pensées. Quand nous sommes certains de quelque chose, nous pouvons être certains que nous avons cette certitude. En règle générale, nous avons conscience de nos actes, et nous sommes toujours conscients de ce que nous examinons avec attention, et surtout de ces actes par lesquels nous examinons nos actes mentaux avec attention. »

Cette conscience, évidemment, ne s’étend pas à tout ce qui se passe en nous. M. Mivart signale les faits d’activité inconsciente et il ajoute : « ces faits, avec d’autres que je signalerai plus tard, me montrent que j’ai deux ordres de facultés mentales : un ordre d’actes supérieurs, intellectuels et plus ou moins volontaires, et un ordre d’actes inférieurs, sensibles et plus ou moins automatiques », et la question se pose naturellement, de savoir si, ayant deux ordres de facultés mentales, nous avons « une faculté inférieure centrale (pour ainsi parler) qui peut correspondre à cette faculté supérieure centrale que nous appelons conscience ?

« Je crois, répond l’auteur, qu’il est assez facile de démontrer que nous avons une telle faculté. Les excitations non senties ou senties, sans conscience distincte, ont souvent le pouvoir d’agir sur notre organisme d’une telle manière que nous sommes forcés de reconnaître la nécessité d’une telle faculté centrale inférieure. Les excitations, très différentes, des yeux, des oreilles, des organes du toucher et de l’odorat peuvent produire un résultat commun sur l’organisme. Cette faculté de recevoir ensemble des influences diverses et de les combiner sans conscience intellectuelle, je l’ai appelée consentience, comme se rapportant aux sensations et non pas aux idées. On peut l’appeler aussi sens commun