Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


LES ORIGINES

DE NOTRE STRUCTURE INTELLECTUELLE ET CÉRÉBRALE


I. — LE KANTISME

Les anciens appelaient les idées des espèces, species, et ce sont en effet les espèces du monde intérieur, qui correspondent à celles du monde extérieur. La genèse des idées ne donne pas lieu, de nos jours, à moins de discussions que la genèse des espèces. Il s’agit, dans ce grand problème, de déterminer le rôle, l’action et la force propre de l’intelligence en face du monde. Trois réponses nous semblent possibles : selon un naturalisme exclusif, c’est la forme de l’objet qui explique seule celle de l’image dans le miroir ; le monde réel, tout achevé à l’avance, n’a plus, comme dit Schopenhauer, « qu’à entrer tout bonnement dans la tête à travers les sens et les ouvertures de leurs organes ». Le monde existerait là dehors, « tout réel sans notre concours », puis il arriverait à pénétrer, par une simple impression sur les sens, dans notre tête, où, comme là dehors, il se mettrait à exister une seconde fois. En opposition à cette doctrine, le pur idéalisme représente le sujet pensant comme le principe même des lois universelles et des relations nécessaires que l’on croit découvrir dans les objets extérieurs : c’est la forme du miroir qui explique celle de l’image, par cela même de l’objet représenté. Il n’y a point d’objet sans sujet, de monde sans une pensée qui le conçoive ; le monde est « ma représentation ». Le caractère commun de ces deux doctrines, c’est l’intellectualisme, puisque toutes deux cherchent l’explication des idées et de la structure intellectuelle dans la nature passive ou active de l’intelligence. Mais, selon nous, une troisième théorie des idées est possible : c’est celle qui, sous l’opposition intellectuelle du sujet pensant et de l’objet pensé, chercherait une unité plus profonde, — sensitive et appétitive, — un processus commun à l’esprit et aux choses. Or, qu’y a-t-il dans la conscience de plus irréductible, qui devra se retrouver éga-