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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/492

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bien que se mettre en relief, s’attacher à une volition formée d’anciens matériaux, lui donner une puissance exceptionnelle de résistance, ou bien la sacrifier au différentiel du fait suivant, toujours souveraine, inexplicable, échappant à toute loi, sauf à celle-ci : ne disparaître jamais complètement, et ne faire disparaître jamais complètement non plus son corrélatif, l’élément nécessaire. Et puis, n’est-ce pas encore un changement, que ce retour en arrière, que cette lutte contre les déterminations actuelles, en faveur de termes destinés à reproduire, autant que cela est possible, un ancien jugement ? — Il n’y a donc pas de difficulté de ce côté ; et, comme il y a, à d’autres égards, des raisons positives, nous concluons que le rôle de la volonté libre, reconnu seulement comme possible dans la croyance simple, doit être tenu pour réel dans la croyance constante, qui ne se comprendrait pas sans lui.

IV

Au troisième degré de la croyance, les conclusions précédentes se maintiennent. En effet, la croyance jugée vraie n’est encore qu’un jugement, et malgré ce que ce jugement a de particulier, il subit les conditions de tous les autres. Si donc une croyance est jugée vraie d’une manière constante, nous dirons que certainement la volonté libre y intervient ; si elle n’est jugée vraie qu’accidentellement, nous dirons seulement que la volonté libre a pu y intervenir. Cependant nous sommes tenu à des considérations nouvelles, car voici une objection bien connue qu’on ne manquera pas de répéter.

Dès que l’on prend conscience du pouvoir volontaire, le doute ne doit-il pas nécessairement apparaître, et par cela même la croyance à la vérité s’évanouir ? « Toute volonté de croire, a-t-on dit, est inévitablement une raison de douter. » — Mais d’abord, on ne prend pas inévitablement conscience de la volonté de croire. Toutes les volitions enveloppent sans doute une certaine conscience, puisqu’elles sont elles-mêmes des faits de conscience, mais le plus souvent cette conscience manque de clarté et échappe à la réflexion. Le mécanisme de l’esprit, encore une fois, est très compliqué ; un nombre incalculable de faits et d’opérations se produisent, qu’il nous est impossible de suivre en détail, et qui contribuent à des résultats en apparence bien simples. Tout ce qu’on peut faire, après une analyse attentive mais forcément bornée, c’est de reconnaître en gros leur réalité, c’est de les accepter en bloc, sans notion précise sur leur nature et le moment de leur intervention. Et encore cette pensée ne s’impose-t-elle pas d’une manière permanente à l’esprit ; on