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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/502

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examen des « facteurs individuels, sociologiques ou cosmiques du crime et du suicide » il ne rejette a priori aucune des explications fournies : ni la folie, ni la dégénérescence, ni l’atavisme, ni son opposé l’infantilisme, ni l’action du climat, de la saison, ou de la race ; il fait la part de tout avec une largeur synthétique, un peu trop éclectique peut-être, où se reflète une nature des plus sympathiques, des plus hospitalièrement ouvertes aux idées d’autrui. Mais, avec toute l’école française, il admet, il démontre la prépondérance des facteurs sociaux et il abonde à ce sujet en développements ingénieux, en documents curieux, en aperçus multiples, tels que le suivant, que je glane entre mille : « La survivance d’anciennes mœurs, dans les milieux et au contact des milieux les plus civilisés, n’apparaît pas seulement chez des individus ou des familles isolées ; elle se manifeste chez des races très compactes, chez des fractions de races transplantées. Les Annamites, a-t-on dit avec beaucoup de justesse, sont des adeptes de la civilisation célestiale, arrêtée pour eux au xive siècle ; nos créoles des Antilles et de la Réunion, sous maints rapports, sont demeurés des Français des xviie et xviiie siècles ; les habitants de Port-Mardick sont toujours des Bretons de Paimpol, au cœur d’un pays flamand ; les Prussiens de Friedrichsdorf sont, par les mœurs et même un peu par le langage, des Français pétrifiés de l’an 1687. Que, dans ces foyers particuliers, certains crimes se produisent avec des caractères de rudesse ou de superstition qui rappellent les façons ancestrales, sera-t-on bien fondé à parler d’atavisme, et ne serait-on pas davantage autorisé à admettre l’effet d’une continuation d’habitudes et de croyances, parallèle à une évolution ambiante plus avancée ? » Je suis très heureux de constater que, sur l’influence puissante « de l’imitation, de la suggestion, de la contagion », le Dr Corre s’accorde pleinement avec moi, et sur bien d’autres points encore. Mais, encore une fois, je n’ai pas la prétention de résumer ici, en quelques lignes, un livre où tout est à lire.

Le livre du Dr Xavier Francotte[1], professeur à l’université de Liège, sur L’Anthropologie criminelle, est une sorte de manuel de cette nouvelle science, un simple travail de « vulgarisation », comme le dit l’auteur dans sa préface. L’exposition des faits et des doctrines y est lucide et complète. La critique en est impartiale. Les conclusions y sont nettement favorables à l’interprétation avant tout sociologique du crime et du criminel. « Certes, l’ensemble des traits du type criminel est imposant et considérable. Mais cette abondance, cette profusion cherche en somme à dissimuler la faiblesse et l’insignifiance des caractères pris en particulier. Est-il un de ces caractères qui n’ait été battu en brèche et dont la valeur n’ait été contestée ? » Il y a en tout homme un penchant au mal qui se développera si l’éducation ne le réfrène. « S’il était besoin de fournir une preuve des funestes conséquences du défaut

  1. L’Anthropologie criminelle, par le Dr Xavier Francotte (Bibliothèque scientifique contemporaine, J.-B. Baillière et fils, 1891).