Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/519

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
505
REVUE GÉNÉRALE. — études criminelles et pénales

réelle, c’est surtout dans les crimes de foules qu’elle doit se manifester avec évidence. Une foule, et même une secte, étant un être toujours beaucoup moins organisé et centralisé qu’un individu, les influences diverses qui agissent sur elle s’y font sentir plus indépendamment les unes des autres, de manière à se détailler en quelque sorte aux yeux du spectateur, et les influences extérieures la dominent davantage parce qu’elles rencontrent une moindre résistance interne. La pluie et le soleil, l’hiver et l’été, ont une action directe sur la formation des rassemblements extérieurs de personnes, condition première des attroupements séditieux. Quant à l’action de la race, elle peut être masquée ou neutralisée le plus souvent dans l’individu par la variation individuelle qui lui est propre ; mais, dans un groupe d’hommes de même race, les variations individuelles se compensent comme dans une photographie composite, et le type moyen tend à prévaloir. Il est vrai que, lorsque les délits individuels eux-mêmes sont étudiés en masse, par la statistique, la compensation des variations individuelles a lieu aussi, mais d’une façon plus abstraite et moins frappante. Et d’ailleurs cette considération n’est pas applicable à l’influence du climat et de la saison, qui, même observée à travers les gros chiffres du statisticien, doit toujours être beaucoup moins efficace en fait de délits individuels qu’en fait de délits collectifs, par suite de la raison donnée plus haut. Si donc cette efficacité, dans le cas des foules, nous paraît surpassée ou seulement même contre-balancée parcelle des causes sociales, nous devrons a fortiori ne plus révoquer en doute la supériorité de celle-ci dans l’explication du délit individuel.

Or il est bien certain que l’heure, la saison, le climat, le froid ou le chaud, la sécheresse ou l’humidité de l’atmosphère, la race surtout, jouent un rôle important dans les excès de la folla deliquente. Ce n’est jamais la nuit que commencent les émeutes ; les grandes journées ne sont que bien rarement les grandes nuits. Dans le Midi, les émeutes ont une autre couleur, une autre impétuosité d’allures que dans le Nord ; en Orient qu’en Occident. Un meeting anglais est plus calme qu’une réunion électorale de France ou d’Italie. Comparez l’enthousiasme délirant du public, dans un théâtre de Florence, quand apparaît une actrice en vogue, aussitôt ensevelie sous des avalanches de bouquets et de sonnets, à la froideur d’une représentation belge ou hollandaise. — Mais, en somme, n’est-il pas évident que les foules, avant tout, sont soulevées et mues par des passions politiques, religieuses, par la nouvelle d’un désastre militaire ou d’un acte du pouvoir, par la parole d’un tribun ou d’un moine, par la contagion puissante des idées du moment, par les précédents historiques ? Il est possible que les foules révolutionnaires, comme a essayé de le démontrer Lombroso dans son Délit politique, se soulèvent de préférence en été ; mais suivez une à une toutes celles qui sont nées à Paris, cyclones sanglants, depuis le 14 juillet 1789 jusqu’à la fin du Directoire, vous verrez que leurs vraies causes n’ont rien à voir avec la température, et qu’il faut les chercher