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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/53

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f. lannes. — de la philosophie en russie

chologie, l’éthique et la métaphysique ; plus tard, il reçut l’autorisation d’enseigner l’histoire de la philosophie. Il dut donner à son enseignement officiel un caractère éclectique, suivant les instructions de ses supérieurs hiérarchiques. Dans son enseignement ésotérique, si l’on peut dire, il initia le cercle de ses amis à la philosophie de Schelling.

En 1819, il publia une Histoire des systèmes philosophiques. Bien que composé d’après des traités étrangers, ce fut une rare nouveauté dans le monde savant russe que l’apparition de ce livre, qui marquait quelque esprit critique.

C’est vers ce temps qu’un danger allait s’abattre sur l’Université de Pétersbourg. Le curateur Rounitch, qui désirait marcher sur les traces de Magnitski, commença, pour avoir un prétexte, par saisir des cahiers d’étudiants et par se plaindre de ne pas trouver l’Université en bon ordre. Bientôt suivit l’accusation d’impiété et de desseins révolutionnaires imputée à ses membres. Galitch, entre autres, fut appelé à répondre devant le conseil universitaire à cette question : « Dans l’exposition des différents systèmes de philosophie, pourquoi ne les avait-il pas réfutés ? » — « Moi-même, ajouta Rounitch avec humilité, si je n’étais pas un vrai chrétien, et si la grâce d’en haut ne me protégeait pas, je ne répondrais pas que je n’eusse pas succombé à la tentation de lire le livre de Galitch. » Et, se tournant vers lui, il l’accusa d’impiété, de trahison à l’empereur et à la patrie, en ajoutant : « Il est de toute évidence que vous préférez le paganisme au christianisme, la philosophie immorale à la fiancée immaculée de l’Église chrétienne, l’impie Kant à Jésus-Christ, et Schelling à l’Esprit Saint. » Galitch fut invité à écrire ce qu’il avait à dire pour sa défense, ce Reconnaissant l’impossibilité de réfuter les questions qui me sont posées, je prie de ne pas parler de mes péchés de jeunesse et d’ignorance », répondit-il avec une modestie simple. Après la lecture de cette réponse, une scène comique eut lieu : Rounitch embrassa Galitch et voulut persuader à l’assemblée que celui-ci avait été touché subitement par la grâce divine. Ensuite Rounitch aurait exigé de Galitch qu’il publiât une nouvelle histoire des systèmes philosophiques avec une préface, où il décrirait sa conversion. Nikitenko raconte — le fait n’est pas démontré positivement — que Galitch refusa de répondre à cette question.

Quoi qu’il en soit, Galitch, homme de méditation plus que de lutte, dut à l’apparente résignation qu’il montra, mais qui dut être douloureuse pour sa conscience, d’être conservé à l’Université à titre de professeur extraordinaire, pouvant être chargé de n’importe quel service non philosophique. C’est dans cette période qu’il fit quelques