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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/604

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seulement la série des événements extérieurs. Ajoutons que le point de vue psychologique et le point de vue physiologique sont, ici encore, inséparables. Chaque impression, dans la conscience, s’associe nécessairement avec les idées d’impressions semblables, en vertu de l’identité du siège cérébral, et elle se différencie nécessairement des impressions différentes, en vertu de la différence même du siège cérébral. Grâce à cette assimilation et différenciation spontanées, à cette classification primitivement automatique, qui aboutit aux deux idées dominantes de sujet et d’objet, la conscience constitue déjà par elle-même une série liée, au lieu d’une vicissitude de tronçons séparés. Une séquence de ressemblances parmi des différences, voilà donc le processus de la conscience, de l’association spontanée et aussi de l’observation intérieure. C’est le germe intellectuel de l’idée d’uniformité. C’est pourquoi l’uniformité n’existe pas seulement dans les objets de la conscience ; elle existe encore et avant tout dans la conscience même, dans le courant subjectif, qui est à la fois volonté et intelligence. La succession uniforme des antécédents et conséquents, l’unité dans la variété est une chose que l’observation justifie et justifiera toujours, au moins en une certaine mesure, parce que cette chose est déjà impliquée dans le processus de l’observation même et de ses éléments constitutifs, — sensation et réaction volontaire, comme dans l’organisation cérébrale qui y correspond.

Ainsi, d’une part, notre attente de l’uniformité est à la fois logique, mathématique et psychologique ; d’autre part, l’expérience confirme cette attente, en nous révélant des phénomènes sensiblement les mêmes, c’est-à-dire produisant un effet semblable sur nos sens. Si je vois une flamme semblable à la première, le fait même que j’éprouve une sensation similaire implique logiquement une similarité dans les causes. La similarité n’est donc plus simplement conditionnelle : elle est donnée en fait. Cela suffit pour nous permettre d’appliquer tous les théorèmes de la causalité.

Le principe de l’uniformité ne peut d’ailleurs exclure à priori la possibilité du changement dans l’univers ; car alors il ne serait pas vrai ; la proportion du même et de l’autre, du semblable et du dissemblable dans la nature est donc une question d’expérience. Là où nous saisissons des conséquences semblables, ne fût-ce que la similitude de nos sensations, nous cherchons des principes semblables ; là où nous saisissons des différences, nous cherchons des principes différents. L’enchaînement logique des principes et des conséquences est un cadre d’idées que nous appliquons aux phénomènes et dans lequel nous cherchons à les faire rentrer. Ils y rentrent en