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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/603

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a. fouillée. — origine de notre structure

commencent à lui conférer un caractère de nécessité assertorique. Toutes les lois, en effet, sont des relations ; or, toutes les relations ont un côté mathématique, puisqu’elles existent entre plusieurs choses (nombre), dans le temps et dans l’espace. Les théorèmes arithmétiques et géométriques s’appliquent donc, avec leur nécessité déductive, à toute multiplicité que l’expérience nous découvre, par cela seul qu’elle est une multiplicité numérique dans le temps et dans l’espace. Ainsi, outre l’ordre logique, est donné l’ordre mathématique de la nature, sans aucune considération de finalité.

Restent les lois relatives aux qualités des objets, non plus aux quantités, comme quand le contact de la même flamme nous fait attendre la même brûlure. C’est ici, prétend-on, que rien ne nous assure la reproduction des mêmes phénomènes qualitativement. — Mais, en premier lieu, le seul fait qu’une chose existe est une raison pour qu’elle continue d’exister et nous devons attendre cette continuation jusqu’à preuve du contraire. Ce n’est pas l’identité qui a pour nous besoin d’explication, c’est la différence. Non seulement donc, si les causes sont les mêmes, nous attendons logiquement et mathématiquement les mêmes effets ; mais nous attendons aussi logiquement, jusqu’à nouvel ordre, et sans aucune considération de finalité, que les causes soient effectivement les mêmes et que ce qui a été une fois continue d’être. En second lieu, nous trouvons réellement en nous-mêmes une continuation d’existence et une régularité de phénomènes, soit que nous considérions le domaine de la volonté, soit que nous considérions celui de l’intelligence. Nous voulons persévérer dans l’être, et nous avons la conscience plus ou moins sourde de ce vouloir fondamental ainsi que de notre permanence effective. Quant à la pensée, son identité avec soi, sa persistance dans l’affirmation est, nous l’avons vu, une forme intellectuelle de ce vouloir radical. La projection au dehors de notre tendance à persévérer dans l’être est donc naturelle, et elle entraîne une confiance naturelle, dans la reproduction des mêmes choses.

Par là nous nous élevons au-dessus du point de vue de Hume. Selon les partisans de Hume, en effet, l’uniformité n’est qu’un fait particulier d’observation objective, analogue aux autres faits d’observation, qui demanderait comme eux à être expliqué, mais ne peut qu’être constaté. Selon nous, l’uniformité n’est pas seulement un fait universel d’observation objective, puisqu’elle se trouve déjà dans la volonté par le seul fait de son développement, dans l’intelligence par le seul fait de son exercice. C’est le processus même de la conscience et non pas seulement ses résultats qu’il faut analyser : il faut examiner la série interne des états de conscience, non pas