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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/617

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LÉONARD DE VINCI


ARTISTE ET SAVANT[1]

I

Léonard est un artiste et un savant : c’est cette dualité qui d’abord fait l’intérêt de sa vie pour le psychologue. Peintre, il écrit un traité de la peinture et il ramène à ses principes théoriques l’art qu’en même temps il renouvelle. Mais il est plus qu’un esthéticien : il est à la lettre un chercheur de vérités positives, un grand savant. Ne serait-ce pas déjà le connaître que de saisir en son esprit l’unité des facultés que le plus souvent on oppose, qu’il concilie sans les affaiblir ? Son originalité est le merveilleux équilibre d’une âme qui fait conspirer en une harmonie puissante les dons que les autres hommes ne se partagent qu’en les opposant. Curiosité universelle, affranchissement de l’autorité, conscience claire de la vraie méthode et de ses procédés, hypothèses fécondes, tout ce qui constitue le génie scientifique de Léonard me paraît se relier sans effort à son libre génie d’artiste, n’en être à dire vrai qu’une métamorphose en une âme vraiment humaine.

On a beaucoup discuté sur la meilleure manière de publier les manuscrits de Léonard. Les brochures répondant aux brochures formeraient des volumes. M. J.-P. Richter tient pour la publication par extraits : il a donné deux gros volumes de fragments empruntés à tous les manuscrits et classés par ordre de matières. Les avantages sautent aux yeux : les carnets sont remplis de notes écrites au jour le jour. De ces notes beaucoup sont obscures, confuses, quelques-unes inintelligibles. Dans la même page, on saute d’un sujet à l’autre selon les circonstances ou le caprice. Pourquoi ne pas supprimer le

  1. Cet article est un chapitre d’un livre qui doit prochainement paraître : Léonard de Vinci. L’artiste et le savant. Essai de biographie psychologique.