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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/636

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SUR UN CAS D’INHIBITION PSYCHIQUE


Ce que demande la psychologie contemporaine, ce ne sont point des théories et des poèmes, ce sont des petits faits, bien nets, bien précis, à conditions déterminées, faciles à reproduire et à contrôler. J’ai essayé dernièrement d’appliquer cette méthode des petits faits, à l’étude d’une question encore très obscure, et dont la solution importe autant à la psychologie qu’à la physiologie ; c’est la question de l’inhibition. En termes psychologiques on peut la poser ainsi : Est-il vrai que dans certaines conditions mentales, un état de conscience (perception, image, raisonnement, volonté, émotion, etc.) peut avoir pour effet, quand il est évoqué, d’annihiler d’autres états de conscience et de les rendre inconscients ?


À la liste d’observations que j’ai déjà publiées je viens ajouter une observation nouvelle, qui me paraît très démonstrative.

Pour indiquer sa place dans l’ensemble des phénomènes d’inhibition, il faut commencer par esquisser une rapide classification de ces phénomènes. Tout d’abord deux cas peuvent se présenter : le phénomène d’inhibition peut être conscient, raisonné, voulu, ou bien il peut résulter directement d’un antagonisme entre les phénomènes psychologiques en présence. Quand l’acte est intentionnel, il porte le nom de négation ; nier un fait, c’est se rendre compte qu’il est faux, c’est se le représenter, puis accoler à son image une image contradictoire qui le réduit. Nous n’avons pas à revenir sur l’analyse de cette opération que nous avons déjà faite. Dans d’autres cas, avons-nous dit, on arrive à expulser de la conscience certaines représentations, sans les avoir clairement perçues, et sans se rendre un compte exact de ce qu’on fait. Cet acte est à la négation consciente et réfléchie ce que l’automatisme des images est au jugement et au raisonnement.

Les phénomènes d’inhibition psychique peuvent être classés à un second point de vue, suivant la nature de l’état qui est frappé d’inhibition. Tantôt c’est une image purement interne, qui s’efface et disparaît, sous l’influence d’autres images. Rien de plus difficile, alors, que de suivre la marche de cet effacement. Tantôt, c’est une sensation, ou plutôt une perception actuelle qui est obnubilée ; un objet est présent, il est là, devant nous ; il envoie ses rayons lumineux dans notre œil