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ribot.m. taine et sa psychologie

quiert un, nombre déterminé d’éléments et en diffère à beaucoup d’égards. Ce qui est positif, c’est que la conscience existe ; c’est qu’elle peut décroître indéfiniment, c’est que ces infiniment petits sont les éléments qui la composent. Si par leur addition ces infiniment petits deviennent une autre chose, c’est qu’il se produit ici une combinaison. M. Taine semble craindre de l’admettre franchement. Nous espérons que, dans une prochaine édition, il insistera davantage sur ce point, ainsi que sur le rôle de la durée dans les faits de conscience. Les expériences qu’il a simplement mentionnées ont été reprises activement dans ces derniers temps, ont donné lieu à des interprétations ingénieuses et nous paraissent en connexion intime avec le problème soulevé ici.


L’analyse, en descendant des signes aux images, des images aux sensations et des sensations à leurs éléments constitutifs, est parvenue à sa dernière limite. Son rôle est fini ; il faut changer de voie, et voir où l’analyse physiologique nous conduira. Il faut entrer dans l’étude pure et simple du système nerveux ; mais en vue d’une interprétation psychologique. M. Taine ramène les phénomènes de la vie mentale à trois groupes : les images, les sensations brutes, les actions réflexes. Il assigne pour siège anatomique aux premières, les lobes cérébraux, aux secondes, la protubérance, aux troisièmes, la moelle épinière.

Dans la moelle, la sensation est à cet état incomplet où nous ne pouvons pas le définir, parce que nous n’avons pas-conscience d’elle ; « mais elle se reconnaît justement à cette incapacité d’apparaître à la conscience et probablement elle ressemble à ces sensations élémentaires qui, séparées, sont nulles pour la conscience et ne constituent une sensation ordinaire qu’en s’agglomérant avec d’autres pour faire un total » (tome Ier, p. 345). — M. Taine se rattache ainsi implicitement à l’opinion qui admet un principe psychique dans la moelle. Sans la rejeter, pour notre part, nous regrettons cependant qu’il n’ait pas discuté l’opinion adverse qui réduit le réflexe à une action purement mécanique. La tendance de plus en plus décidée chez les physiologistes à ramener les actions nerveuses les plus compliquées à l’action réflexe, impose aux psychologues l’obligation de s’y arrêter de plus en plus. Il se trouve d’ailleurs là en face du problème posé plus haut : la genèse et la nature de la conscience. Ajoutons que, toute métaphysique à part, le rôle positif que joue l’inconscient dans la vie mentale a été si bien exposé dans ces derniers temps, que ces phénomènes d’ordre inférieur, — les actes réflexes — prennent une valeur et une signification toute nouvelle.