Des anciens Prussiens il ne restait plus rien ; les Chevaliers, pour les convertir, n’avaient point trouvé de meilleur moyen que de les exterminer. Païens barbares, issus, dit Carlyle dans son Histoire du grand Frédéric, des Goths de Scandinavie, nous ne possédons sur eux aucun renseignement précis. Les nouveaux habitants du pays étaient des Germains immigrés. Le traité de Thorn qui avait couronné les efforts de Casimir iv avait laissé cette enclave aux mains des Chevaliers devenus vassaux du roi de Pologne. L’ordre n’était plus que l’ombre de lui-même et surtout il se pénétrait des doctrines de la Réforme. Il finit par avoir un protestant pour grand-maître. Cela se passait sous le règne de Sigismond ier (1506-1547), le sixième des Jagellons. Ce grand-maître s’appelait Albert de Brandebourg. Ayant tramé inutilement un complot en vue de s’affranchir du joug polonais et de restaurer la grandeur de son ordre, le rusé Hohenzollern s’aperçut qu’il n’y avait plus rien à faire de ce côté et se retourna d’un autre ; il conçut le projet de séculariser son titre et de devenir souverain d’abord en vasselage et ensuite indépendant. Ce plan hardi qui devait se parachever à Versailles en janvier 1871, commença de s’exécuter à Cracovie, en avril 1525. En présence du roi Sigismond auquel il remit la bannière de l’ordre, l’ex-grand-maître, entouré de la plupart de ses compagnons devenus protestants comme lui, reçut l’investiture du duché de Prusse pour lequel il jura de rendre hommage à la couronne de Pologne.
De la part d’un prince aussi éclairé que Sigismond, un tel acte doit surprendre par l’imprudence et la légèreté dont il témoigne. Il s’explique par deux motifs : le premier, c’est le lien de famille qui unissait Sigismond à Albert de Brandebourg ; ce dernier était son neveu. Mais il est permis de croire qu’un second motif plus puissant agit sur l’esprit du roi et celui-là était d’ordre politique.