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REVUE POUR LES FRANÇAIS

rie du Saint-Sacrement et qui, vers le milieu du siècle apportèrent un élément inattendu dans le conflit des aspirations religieuses. Bientôt, à ces groupements plus ou moins mystiques se superposa — à ciel ouvert et très pratique en ses dessins — l’english Church Union fondée à la suite des troubles qui avaient éclaté dans certaines paroisses des quartiers pauvres de Londres. L’English Church Union visait à défendre par tous les moyens la liberté des novateurs.

Ceux-ci avaient-ils la loi pour eux ? la loi civile, on pouvait en disputer, mais pour la loi religieuse, c’était hors de doute. Il suffit d’ouvrir le Common prayer book pour saisir avec une clarté qu’aucun autre document historique ne saurait produire la nature exacte du changement accompli par Henri viii. L’orgueilleux monarque ne modifia que tout à fait accessoirement le catholicisme traditionnel de ses sujets. Il se borna à substituer son autorité à celle du pape. Il était roi ; il se fit pontife. Il fut schismatique, en somme, et point hérétique. Il éveilla, en matière religieuse, cette jalousie nationale qu’Élisabeth devait développer par la suite et qui se traduisit, en fin de compte, par l’anti-papisme le plus violent. No popery, à bas le papisme, devint le cri de ralliement du nationalisme britannique. À la faveur de ce schisme, la Réforme prospéra ; ses doctrines absolues séduisirent ceux qui professaient avec le plus d’énergie la haine des influences romaines, mais la majorité demeura attachée au Common prayer book encore que les cérémonies dont il contenait le détail liturgique tombassent une à une en désuétude. Puis survint — pour des causes multiples que nous n’avons pas à étudier ici — une époque matérialiste et grossière pendant laquelle on peut dire que tout sentiment religieux, vraiment digne de ce nom, parut sombrer en Angleterre. Réduit en esclavage par l’État et par la grande propriété foncière, l’Anglicanisme tomba au rang misérable où Gladstone se souvenait encore de l’avoir vu. Pourtant, dans cette Angleterre si avilie religieusement, deux groupes demeuraient respectables ; d’un côté, d’honnêtes protestants formés en communautés rigides et dont le puritanisme s’accentuait en proportion de la corruption environnante ; de l’autre, le petit noyau des catholiques romains, fortement trompés par la persécution et obstinément fidèles à leur culte. Le peuple, quand il commença d’éprouver l’obscur besoin d’une épuration, eut souhaité inconsciemment d’emprunter aux uns leur indépendance,