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L’ANGLICANISME À SON POINT D’ARRIVÉE

aux autres leur cérémonial. Ce qui l’écartait de ces derniers, c’était Rome, c’était la silhouette abhorrée du prêtre italien, chef despotique de l’Église universelle. Il en résultait les revirements et les contradictions auxquelles nous faisions allusion tout à l’heure ; une émeute éclatait un jour dans une paroisse parce que le desservant se hasardait à revêtir un surplis et, le lendemain, dans la paroisse voisine, on applaudissait au relèvement d’un autel orné de lumières et de fleurs. Le Common prayer book aidant, les figures des saints, dont la mémoire s’y trouve honorée, unirent par réapparaître en mosaïques et en vitraux jusque dans les cathédrales doyennes. Mais cela ne se fit point, bien entendu, sans luttes ni tempêtes.


ii


Le principal adversaire du mouvement, celui dont les maladroites attaques lui apportèrent le renfort, après tout le plus précieux, ce fut lord Shaftesbury. Quelle qu’ait pu être, en cette affaire, la sincérité de ses sentiments personnels, lord Shaftesbury se montra l’agent des intérêts particuliers de la Chambre Haute, le représentant d’une caste nantie pour laquelle le bas clergé constituait le plus commode, en même temps que le plus prestigieux des instruments de domination. L’erreur du noble lord fut de s’imaginer qu’on pouvait avoir raison d’une effervescence morale et désintéressée en votant des lois ou en faisant intervenir des assemblées laïques. On ne saurait dire lequel des deux fut le plus ridicule à voir d’une chambre des Lords occupée à discuter les détails du culte ou de la « cour des arches », vieille juridiction à demi oubliée, délibérant gravement sur le degré d’orthodoxie d’un clergyman. En rivalité avec l’English Church Union, s’était fondée la Church Association, destinée à rechercher les mécontents prêts à poursuivre leurs curés, au besoin à les susciter, en tous cas à les subventionner. Plusieurs procès s’engagèrent. L’activité de Lord Shaftesbury en alimenta longuement les débats. Lui et ses partisans se réjouirent fort des premières condamnations obtenues par leur labeur ; ils ne comprenaient point qu’ils travaillaient tout simplement à transformer les ritualistes en champions de la liberté de conscience. C’est ce qui advint finalement. Ceux-là même qui étaient le plus éloignés des pratiques ritualistes se révoltaient à l’idée qu’un homme put, au