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REVUE POUR LES FRANÇAIS

d’échange se sont établies à travers les océans pour que l’Amérique puisse désormais combiner et faire durer une union douanière exclusive : si elle y parvenait jamais ce ne serait assurément qu’une réussite éphémère.

Les républiques espagnoles ne sont nullement disposées du reste à abdiquer la situation pleine de promesses à laquelle elles sont parvenues pour se ranger en satellites autour du colosse yankee ; l’Europe leur est nécessaire financièrement et elles ne craignent plus de sa part ces mainmises territoriales dont elles s’effrayèrent si longtemps. Mais elles ne veulent point se brouiller avec une puissance dont, sous une forme ou sous une autre, le concours peut un jour leur être précieux. De leur côté, les États-Unis comprennent parfaitement que le projet de Blaine n’a plus de raison d’être mais ils aspirent à make the best of it en fournissant des ingénieurs, des capitaux et des objets manufacturés à leurs voisins en aussi grande quantité que possible. Voilà de quoi finalement accouchera le panaméricanisme… à moins que quelque jour cette monstruosité qu’on désigne sous le nom d’États-Unis d’Europe ne vienne à se constituer. Alors l’Amérique devrait s’unir à son tour et ce serait, entre le vieux et le nouveau monde, une lutte économique prompte à dégénérer en une guerre sanglante et sans merci. Ce jour-là, les hommes jaunes riraient rose.

La doctrine de Drago.

Ne pas confondre avec celle de Monroë qui était une rodomontade. Celle-ci est infiniment plus fin de siècle. On pourrait la définir très justement : l’art de ne pas payer ses dettes. Mais d’abord rendons-lui son père car M. Luis Drago, ministre des Affaires étrangères de la République Argentine n’en est pas l’auteur, bien qu’elle porte son nom. L’auteur, c’est Lord Palmerston ; il écrivait en 1848 dans une de ses dépêches officielles, parlant des Anglais qui risquent leurs capitaux entre les mains des États étrangers : « Ils ont dû faire entrer en ligne de compte les risques inévitables à courir en cas d’insolvabilité de leur débiteur : s’ils n’ont pas prévu cette éventualité, ils doivent subir le sort de tout spéculateur qui s’est trompé dans ses prévisions. » Évidemment, s’il s’agit d’intérêts absolument particuliers, d’une banque, d’une plantation, d’une usine, le citoyen n’escomptera pas l’envoi par