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REVUE POUR LES FRANÇAIS

victions s’apprêtait à les trahir, ils eussent de très bonne foi déclaré pareille hypothèse absolument hors de discussion. Quelle apparence y avait-il, en effet, que la série des découvertes par lesquelles le mécanisme cérébral humain livrait peu à peu tous les secrets de sa nature et de son fonctionnement put arriver à franchir la limite des phénomènes rationnels et s’enfoncer dans une région dont le matérialisme précisément se croyait désormais fondé à nier l’existence. C’était son précepte fondamental que la mort ne pouvait rien laisser subsister de l’individu qu’un peu de matière s’effritant plus ou moins vite et propre à se transformer selon la loi universelle. Ce précepte, il n’était pas toujours bienséant de le formuler ; on admettait que la religion expirante eût droit à des égards et ses ennemis les plus acerbes se hasardaient seuls à lancer de si brutales vérités. Mais le sourire sceptique des autres en disait long et, d’une manière générale, on doit reconnaître qu’en ce temps-là le monde scientifique inclinait vers l’acceptation de moins en moins contestée du matérialisme intégral.

Or l’an dernier, M. le professeur Richet, lequel n’est pas influencé assurément par aucune considération confessionnelle, a pu écrire que l’existence désormais certaine de l’occultisme — c’est-à-dire d’une manifestation de la conscience des morts — ouvrait à l’étude des horizons nouveaux et incommensurables. La franchise de M. Richet n’a pas été du goût de tout le monde et il est à remarquer que ce sont des catholiques convaincus qui ont protesté avec le plus de véhémence comme si, assurés dans leur foi, il leur était pénible de recueillir des preuves scientifiques de l’existence de l’âme. Une préoccupation similaire semble s’affirmer dans un petit ouvrage récent du Dr Lapponi, qui vient de mourir précisément, prévenu d’avance par un de ses malades. Après avoir nettement distingué l’hypnotisme, ordre de phénomènes absolument naturels mais encore insuffisamment connus, de l’occultisme, le Dr Lapponi dénonce avec insistance le danger que courraient l’intelligence et la raison des profanes s’ils s’adonnaient à des expériences d’un genre émouvant et troublant auxquelles ils n’auraient pas été préparés par leur carrière. À cet égard M. Lapponi a parfaitement raison : il faut laisser aux seuls hommes de science le soin d’élucider peu à peu de pareilles questions. L’opinion publique n’a rien d’autre à faire qu’à enregistrer les résultats acquis au fur et à mesure ; mais cela, elle a le droit d’y prétendre. Voilà justement ce qu’indiquait le professeur Richet