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REVUE POUR LES FRANÇAIS

qu’on pousse à l’assassinat ou bien ce représentant du peuple qui, par un vote hâtif, lui permet d’accomplir son forfait ? En vérité nos députés donnent l’exemple des pires défauts : l’égoïsme, l’intolérance, le gaspillage du bien d’autrui, l’acharnement contre les faibles, etc., etc… Peu à peu les foules suivent cet exemple. Il n’est à cela rien d’étonnant.

La transformation de l’Autriche-Hongrie.

La vieille monarchie austro-hongroise, si fière de ses privilèges, si tenace à ses traditions, vient d’abdiquer entre les mains du peuple une partie de ses pouvoirs. Désormais se dressera devant l’empereur-roi un Reichsrath élu au suffrage universel et direct. C’est une brillante conquête. Nous aurions tort de l’attribuer principalement au progrès de la démocratie. Elle est plutôt un épisode de la lutte engagée autour du vieux trône des Habsbourg entre les différentes nationalités qui peuplent l’empire. Elle est une victoire slave et une défaite allemande.

Les Slaves, qui sont les plus nombreux, souffraient de l’hégémonie d’une minorité d’Allemands que favorisait l’ancien mode d’élection par curies. L’adoption du suflrage universel les en garantit désormais. Toutefois, la loi constitutionnelle entrée en vigueur depuis le 1er  janvier 1907 ne leur donne pas satisfaction complète. L’égalité des nationalités, n’y est pas reconnue ; les Allemands jouissent encore, d’après elle, d’un privilège exceptionnel. On en juge par ces chiffres.

Le futur Reichsrath comprendra 516 membres, soit en moyenne un député par 50.000 habitants. Mais en Bohême, les Allemands éliront un député par 42.000, tandis que les Tchèques en auront un seulement par 52.000. En Moravie, les Allemands en auront un par 35.000 ; les Tchèques, un par 57.000. En Styrie, les Allemands en éliront un par 39.000 ; les Slovènes, un par 58.000. Et ainsi toutes les provinces.

Malgré ce défaut d’équité, les Slaves ont accepté la loi, considérant d’ailleurs qu’elle marque une simple étape vers la réalisation intégrale de leur programme. Le nouveau régime leur assure la majorité : c’est déjà énorme. La politique intérieure de l’Autriche-Hongrie va subir de ce fait une orientation toute nouvelle qui ne manquera pas d’influencer favorablement les aspirations fédéralistes de toutes les nations inféodées à l’empire et particulièrement les ten-