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REVUE POUR LES FRANÇAIS

ministère Clemenceau. La république n’en est pas tombée en pâmoison. Sir Henry Campbell Bannerman y est tombé au contraire et s’est servi pour caractériser le vote des Lords d’une expression fort malséante ; il l’a qualifié d’« intolérable ». Ce qui est intolérable, c’est qu’un premier ministre s’oublie jusqu’à invectiver de la sorte une portion du parlement de son pays pour un vote de nature à lui déplaire. Il est très vrai que la Cbambre des Lords ne s’inspire pas toujours d’une ardeur libérale très efficace ; elle émiette volontiers, dissèque, chicane et laisse passer les réformes comme au tamis. Mais d’autre part l’Angleterre qui a vécu les trois quarts du xixe siècle sous ce régime a, précisément pendant ce temps, réalisé tant de progrès dans la voie du libéralisme qu’à peu près aucun autre pays ne saurait lui disputer la préséance à cet égard. C’est donc que le procédé a du bon. La Chambre des Lords du reste ne professe aucune hostilité systématique envers le cabinet actuel et en votant le bill sur les Trades Unions qui garantit à ces syndicats l’intangibilité de leurs fonds sociaux et légalise pour ainsi dire le débauchage des non grévistes par les grévistes, elle a fait preuve d’une audace véritable. L’Education bill sera-t-il renvoyé par les Communes aux Lords tel qu’il était la première fois ? Ce procédé serait nouveau en Angleterre. Il est plus probable que le bill sera momentanément abandonné. Quant aux menaces proférées contre les Lords, le Premier fera bien d’y regarder à deux fois avant d’engager une querelle dont il paierait sans doute les pots-cassés. La popularité de la chambre haute n’est pas encore prêt d’être ébranlée, outre-Manche.

France et Italie.

Beaucoup de Français s’imaginent que le roi Victor Emmanuel voit d’un très bon œil les mauvais rapports qui prédominent entre Paris et le Vatican. C’est là une erreur et sans aller jusqu’à croire — ce qui pourtant se dit couramment dans les cercles diplomatiques romains — à savoir que l’anticléricalisme est un germe de discorde éventuelle entre la France et l’Italie, il faut admettre que notre politique présente ne répond en rien aux vœux du Quirinal. Toute la force politique péninsulaire depuis trente ans réside dans ce fait considérable que les deux pouvoirs qui se partagent l’héritage romain, le spirituel et le temporel, ont des intérêts identiques et sont d’accord sur les grands principes sociaux